Les classes moyennes, principales perdantes de la censure du gouvernement Barnier, selon l’OFCE

Adoptée en urgence mercredi dernier et promulguée vendredi par Emmanuel Macron, la «loi spéciale» empêche la France de basculer au 1er janvier dans un «shutdown». Mais ce palliatif budgétaire, rendu nécessaire par la censure du gouvernement Barnier et l’absence de budget de l’État pour 2025, n’est pas la panacée. Une étude publiée dimanche par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) montre en effet que cette loi spéciale, et donc la reconduction de législation en vigueur en 2024, «devraient peser sur le pouvoir d’achat des ménages, en particulier ceux des classes moyennes».

La faute à la fin programmée du bouclier tarifaire sur l’électricité et le gaz, ainsi qu’à la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu (IR) sur l’inflation. La première «devrait se traduire par une hausse des dépenses énergétiques TTC de l’ordre de 40 euros par an pour l’ensemble des ménages», et «un peu plus plus pour les ménages appartenant aux 5% les plus aisés». Le second effet de la chute du gouvernement Barnier, en revanche, devrait davantage pénaliser les classes moyennes. L’OFCE calcule qu’avec le gel du barème, «les ménages proches du niveau de vie médian perdraient entre 50 et 100 euros par an par rapport à une situation d’indexation “usuelle”, soit entre 0,2% et 0,3% de leur niveau de vie annuel».

Si «ces pertes dépasseraient les 250 euros pour les 15% de ménages les plus aisés», l’OFCE observe «un effet légèrement régressif en pourcentage du niveau de vie en fin de distribution». Autrement dit, «au sein des ménages les plus riches, les plus aisés seraient relativement moins affectés que les autres, en raison de la faible progressivité de l’impôt dans les tranches les plus élevées». Les auteurs rappellent par ailleurs que cette non-indexation du barème devrait rendre imposables «près de 400.000 ménages», situés «au centre de la distribution des niveaux de vie», soit dans les classes moyennes. Et, au total, «environ 18 millions de ménages» verraient leur impôt sur le revenu augmenter. Toutefois, il s’agit de calculs uniquement économiques. Du point de vue juridique, il est loin d’être certain que les ménages voient réellement la hausse de leurs impôts, en raison du calendrier fiscal.

En revanche, l’abandon d’autres mesures prévues dans le projet de budget 2025 - finalement rejeté par la censure - est plutôt «favorable pour les ménages, notamment les plus aisés», note l’OFCE. Par exemple, les retraités font partie des gagnants du renversement du gouvernement Barnier, puisque tous verront «leur pension pleinement revalorisée au 1er janvier 2025 alors que le PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) prévoyait une revalorisation à partir de juillet seulement pour une économie budgétaire de 3,6 milliards d’euros».

Déficit revu à la hausse

Autre mesure tombée aux oubliettes, la contribution différentielle sur les hauts revenus, dont le renoncement «devrait soutenir le revenu disponible des ménages appartenant au 5% les plus aisés d’un montant de l’ordre de 1 300 euros en moyenne par ménage», indique le centre de recherche. Toutefois, «seule une infime minorité» de ces 5% devrait dans les faits profiter de l’absence de ce dispositif, rapporte l’OFCE, «puisque la contribution exceptionnelle ne devait concerner que les ménages déclarant plus de 250.000 euros par an pour un célibataire, veuf, séparé ou divorcé et 500.000 euros par an pour les couples sous imposition commune soit les 75.000 foyers fiscaux les plus aisés».

Sur le plan des finances publiques, la censure du gouvernement Barnier et la loi spéciale devraient creuser le déficit, alerte l’organisme. «Sans mesures nouvelles, le déficit serait attendu entre -6,1 % et -6,4 % du PIB en 2025», affirme l’OFCE, contre 5,3% programmés initialement. La politique budgétaire telle que dessinée dans les projets de loi de finance (PLF) et de budget de la Sécurité sociale (PLFSS) présentés sous la houlette de l'ancien premier ministre Michel Barnier «impliquait une restriction budgétaire de 1,5 point de PIB», ventilée en 0,9 point de «mesures nouvelles en prélèvements obligatoires» et 0,6 point d'«effort sur la dépense publique», estime le centre de recherche. Mais la censure du gouvernement de Michel Barnier a rendu impossible l'adoption de ces projets de loi, qui prévoyaient notamment 27,1 milliards d'euros de mesures nouvelles en prélèvements obligatoires (dont plus de 20 milliards supportés par les entreprises). 

En revanche, les économistes de l’OFCE estiment que la loi spéciale pourrait avoir une «impulsion moins négative» sur la croissance et la porter «jusqu'à 1,4% en 2025 contre 0,8%» anticipé précédemment. «L'incertitude et l'indécision budgétaire, alimentées par une situation politique sans précédent, pourraient (aussi) jouer dans l'autre sens et ramener la croissance de l'activité à notre prévision pour 2025 (0,8%)», nuancent-ils. La loi spéciale est «censée être transitoire, le temps d'adopter une loi de finances», rappelle l'OFCE, sans quoi, subsiste un risque de «falaise budgétaire». Une simple reconduction des crédits d'une année sur l'autre «n'est pas compatible avec des engagements contractuels» comme la hausse mécanique de la masse salariale ou des loyers et fait courir le risque de «se retrouver en cours d'année à avoir consommé tous les crédits et donc de ne plus pouvoir honorer les engagements de l'État», explique l'OFCE.