Censure : «La loi spéciale n’est pas faite pour modifier le barème de l’impôt» sur le revenu, estime Moscovici
La censure du gouvernement Barnier perturbe encore un peu plus la crédibilité de la France, mais le pays n’a pas basculé dans le «chaos» : c’est le message du premier président de la Cour des comptes. Ce dimanche, Pierre Moscovici est revenu sur la situation politique du pays, sur le plateau de LCI. Il y a défendu une fois de plus la nécessité de rétablir les comptes publics tricolores, plaidant pour que les politiques se mettent d’accord.
La censure «n’est ni une catastrophe, ni quelque chose d’anodin», a remarqué Pierre Moscovici. Cet épisode exceptionnel a été accueilli avec prudence par les marchés, mais le scénario d’une crise financière ne s’est pas révélé exact pour le moment. «Notre crédit est surveillé [...]. Nous ne sommes pas menacés par une situation à la grecque, [...] mais une dette trop importante empêche de préparer l’avenir», a-t-il développé. L’ancien ministre du quinquennat de François Hollande souhaite surtout éviter de voir la France sombrer peu à peu, inexorablement, dans «une forme d’enfoncement», ou subir «une perte de crédibilité progressive».
Si l’objectif fixé par Michel Barnier - réduire le déficit à 5% du PIB en 2025 - était «élevé», celui-ci reste «nécessaire» et doit être partagé par la prochaine équipe gouvernementale, a plaidé Pierre Moscovici. La France ne peut continuer dans sa «préférence collective pour la dépense» : «Quand ça va mal, on se tourne vers l’État, c’est le papa, la maman. [...] Après, on a pris un mauvais pli : chaque fois qu’il y a un problème, il y a un chèque», a-t-il ensuite ajouté. Une posture «culturelle» devenue écrasante pour les finances publiques.
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Incertitude sur les hausses d’impôts attendues
Pour remédier à cette situation, le premier président de la Cour des comptes a ainsi suggéré aux futurs gouvernants de rééquilibrer la balance entre les dépenses et les recettes. «Il est inévitable de faire un peu de fiscalité», a-t-il jugé, rappelant toutefois que le «ras-le-bol fiscal», qu’il avait dénoncé il y a une décennie, limitait les marges de manœuvre. Le nouveau premier ministre devra, dans tous les cas, «faire le plus possible d’économies des dépenses intelligentes».
Pierre Moscovici est par ailleurs revenu sur la polémique autour de l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu. L’absence de budget pour 2025 risque ainsi de conduire à l’augmentation des prélèvements pour «18 millions» de Français, selon l’OFCE. «D’autres en paieront pour la première fois parce qu’on n’aura pas pu inscrire dans la loi de finances la réindexation qui est prévue. C’est inéluctable», jugeait récemment Michel Barnier. A priori, «la loi spéciale [promise par Emmanuel Macron pour pallier l’absence de budget, NDLR] n’est pas faite pour modifier le barème de l’impôt», a jugé l’ancien ministre. Elle n’est «pas faite pour cela».
Pour autant, cette loi n’est qu’une «solution temporaire», a ajouté Pierre Moscovici. Elle devra ainsi être complétée par un nouveau projet de loi de finances, début 2025, qui pourra contenir l’indexation du barème sur l’inflation. En revanche, si ce nouveau budget n’est pas voté par les députés, faute d’accord, «alors là, les Français paieraient plus» et près de 400.000 d’entre eux rentreraient dans l’impôt. De quoi rapporter «trois à quatre milliards» d’euros au trésor public, tout en pesant sur les comptes des ménages. Un argument supplémentaire pour inciter les élus à toper sur le texte.