Droits de douane : on vous explique pourquoi les discussions entre les Etats-Unis et l'UE vont se poursuivre, malgré l'accord
Les tractations sont loin d'être terminées entre Américains et Européens. Douze jours après l'annonce d'un "deal" commercial entre les Etats-Unis et l'Union européenne (UE), les nouveaux droits de douane américains sur les produits venus du Vieux Continent entrent en vigueur jeudi 7 août. Mais cette surtaxe de 15% décidée par Donald Trump est loin de satisfaire l'UE, qui compte bien arracher quelques exceptions. "On entre dans une phase de négociation", a commenté mardi Thierry Breton, ancien commissaire européen au Marché intérieur, au micro de franceinfo. Voici pourquoi l'UE, premier partenaire commercial des Etats-Unis, peut encore espérer un meilleur traitement.
Parce que le pacte du 27 juillet n'est pas ratifié par l'UE
Annoncé en grande pompe depuis l'Ecosse le 27 juillet, l'accord-cadre dit "de Turnberry" entre Américains et Européens n'a pas encore été ratifié par les vingt-sept Etats membres de l'UE. Comme le rappelle le think tank Le Club des juristes, cette décision revient au Conseil européen, où siègent les chefs d'Etat ou de gouvernement de l'UE. Mais, pour l'heure, aucune date n'a été fixée en ce sens. Ce qui n'a pas empêché Donald Trump de signer le décret instaurant le nouveau taux de 15% le 31 juillet, pour une entrée en vigueur le 7 août.
Au moment de l'annonce de cet accord commercial, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s'était montrée prudente. A ses yeux, les 15% de droits de douane ne sont en effet qu'un taux "stabilisé", "un plafond clair" pour les entreprises européennes, sans être forcément gravé dans le marbre. "En cette période de turbulences, cela est essentiel pour qu'elles puissent planifier et investir", justifiait-elle dans son discours, tout en appelant à "continuer à œuvrer" sur ce dossier.
Parce que plusieurs industries espèrent encore échapper aux surtaxes
En plus de ne pas avoir été adopté officiellement côté européen, cet accord-cadre comprend plusieurs zones d'ombre sur le fond. La question de l'acier et de l'aluminium produits en Europe, que Washington veut continuer de taxer à hauteur de 50%, ne semble pas avoir été tranchée. Le 27 juillet, Ursula von der Leyen était moins catégorique que Donald Trump, promettant de travailler avec les Américains afin d'"abaisser les droits de douane" et d'établir "un système de quotas".
Le flou demeure aussi sur les produits pharmaceutiques, car la partie américaine a émis des déclarations contraires à ce sujet. Près de deux semaines après l'annonce de l'accord, les filières européennes de l'automobile, des produits agricoles ou encore des vins et spiritueux espèrent toujours pouvoir rejoindre le "club" des industries exemptées de droits de douane. Pour le secteur des spiritueux, le retour à un taux équivalent à la situation de 1997 demeure l'objectif prioritaire. "A savoir un accord zéro pour zéro, ce serait pour notre filière un bon deal", commente Gabriel Picard, président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France à franceinfo. "S'agissant des vins, la situation est un peu plus complexe, un peu moins précise. On a quelques jours pour continuer à se battre sur le sujet."
Pour l'instant, seuls le secteur de l'aéronautique, certains produits agricoles et chimiques bénéficient d'un régime à 0%. Mais l'UE "continuera à travailler pour ajouter plus de marchandises à cette liste", a promis Ursula von der Leyen.
Parce que la riposte commerciale de l'UE est en pause
A l'approche de l'entrée en vigueur des droits de douane de 15%, l'UE a "suspendu" son projet de représailles aux droits de douane de Donald Trump, en raison de l'accord commercial. Au cours des derniers mois, la Commission avait en effet préparé une liste de produits américains qui seraient taxés si les Etats-Unis et l'UE ne parvenaient pas à s'entendre. Au total, 93 milliards d'euros de marchandises étaient visés.
Faut-il y voir un geste de bonne volonté, pour apaiser la partie américaine ? Ou plutôt un rappel des instruments dont l'Europe dispose pour peser dans les négociations ? "Les mesures de rétorsion sont prêtes" et seront "toujours sur la table", estimait mardi Thierry Breton sur franceinfo. Mais pour l'ancien responsable européen, "il faut évidemment donner le sentiment qu'on sera prêt à les utiliser si c'est nécessaire", comme le fait la Chine. Pékin est en plein bras de fer avec Washington depuis la fragile trêve commerciale conclue mi-mai.