Droits de douane : trois questions sur la trêve commerciale entre les Etats-Unis et la Chine
Un répit dans les querelles entre les Etats-Unis et la Chine. Après des consultations à Genève (Suisse), des représentants des deux premières puissances économiques mondiales ont annoncé, lundi 12 mai, une baisse de leurs droits de douane respectifs pour une période de 90 jours. Dans les deux camps, l'heure est aux réjouissances, alors que beaucoup craignaient une longue guerre commerciale, provoquée par le brusque changement de régime douanier imposé ces dernières semaines par le président américain, Donald Trump.
Mais la méfiance règne aussi, tant l'imprévisible locataire de la Maison Blanche semble déterminé à "remettre à plat" les relations commerciales de son pays avec le reste de la planète. Obsédé par la négociation, Donald Trump fait aussi reposer une grande partie de sa politique économique sur l'augmentation des droits de douane. De son côté, la Chine encaisse et tempère, tout en dénonçant, mardi, les dirigeants adeptes de "la loi du plus fort". Retour en questions sur cette trêve commerciale fragile.
1 Sur quoi la Chine et les Etats-Unis se sont-ils mis d'accord ?
Washington et Pékin ne sont pas totalement revenus en arrière sur leurs mesures, mais ont consenti à une large baisse temporaire, après la surenchère entre les deux pays, consécutive à l'offensive lancée par Donald Trump le 2 avril. Pendant 90 jours, les surtaxes américaines sur les produits chinois importés vont donc passer de 145% à 30% et, dans l'autre sens, les droits de douane chinois sur les importations venues des Etats-Unis vont être rabaissés de 125% à 10%. Cette pause entrera en vigueur mardi soir à minuit (6 heures à Paris), a annoncé la Maison Blanche dans un communiqué.
L'administration Trump a également accepté de revenir sur une autre mesure douanière : la taxe sur les petits colis de vendeurs chinois (d'une valeur inférieure à 800 dollars, soit 720 euros), envoyés notamment par les géants de la vente en ligne AliExpress, Shein ou encore Temu. Depuis le 2 mai, ces flux, qui représentent des millions de colis chaque mois aux Etats-Unis, étaient visés par des droits de douane de 120%, ou alors une taxe plancher de 100 dollars (90 euros). Pour les trois prochains mois, ces surtaxes sont ramenées à un taux de 54%, sur ordre de Washington. La taxe plancher reste en vigueur, mais ne doublera pas en juin, comme cela était prévu. Elle peut être appliquée au choix.
2 Le risque de guerre commerciale est-il écarté ?
Pas vraiment. Les Américains semblent toujours déterminés à renégocier de nombreux accords commerciaux, et plus largement leurs relations avec la Chine, considérée par Donald Trump comme une puissance particulièrement hostile et dangereuse pour les Etats-Unis. La baisse des droits de douane n'est que temporaire, et des discussions entre Washington et Pékin sont prévues "dans les prochaines semaines", a prévenu le ministre des Finances américain, Scott Bessent sur la chaîne CNBC lundi. De l'aveu du responsable américain, qui a participé aux tractations à Genève samedi et dimanche, le pacte conclu est avant tout "un mécanisme visant à éviter une flambée des droits de douane", mais un "accord plus étoffé" attend encore d'être signé.
Surtout, Washington répète son souhait d'un "découplage stratégique" vis-à-vis de la Chine, dont l'économie américaine est dépendante à plus d'un titre. Dans son programme économique, Donald Trump mise gros sur les droits de douane, et c'est en taxant les importations qu'il compte relancer la sidérurgie et l'automobile dans son pays. Les Etats-Unis comptent toujours mettre en œuvre des surtaxes "par industrie", explique Scott Bessent, en essayant de ne pas provoquer une nouvelle flambée des droits de douane réciproques. De quoi continuer à irriter Pékin, qui a ouvert une procédure début avril auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), et continue par exemple d'interdire les livraisons d'avions de la firme américaine Boeing.
3 Est-ce une défaite pour Donald Trump ?
La suspension des droits de douane prohibitifs est un revers pour le président américain, qui comptait passer en force et imposer ses conditions à la Chine. En l'espace de quelques semaines, les craintes pour l'économie américaine (ralentissement, inflation, hausse des taux d'intérêt de la dette) ont pris le dessus, y compris chez les cadres du gouvernement Trump, rapporte le New York Times. Lors des négociations en Suisse, son ministre des Finances a par ailleurs reconnu que la hausse rapide des droits de douane avait créé une situation "d'embargo" sur les flux commerciaux entre la Chine et les Etats-Unis.
Depuis l'annonce de cette trêve commerciale, c'est une guerre d'image qui se joue. D'un côté, la Chine se présente comme le pays agressé, répétant que la hausse soudaine des tarifs douaniers est une "mauvaise pratique", mais aussi qu'elle négocie avec les Etats-Unis "dans l'intérêt commun du monde", comme l'a déclaré son ministère du Commerce. "Il semble que la Chine ait l'avantage", analyse Melanie Hart, directrice de programme à l'Altlantice Council, un think tank américain. Selon elle, Pékin "a désormais ce qu'elle souhaite auprès de toutes les administrations américaines : un processus de négociation. Et elle n'a rien cédé de précieux pour l'obtenir."
Malgré cela, de son côté, Donald Trump s'affiche en vainqueur. La Maison Blanche fait valoir dans un communiqué que Washington "maintient un tarif de base américain sur la Chine", en conservant une surtaxe un cran plus élevé que celle appliquée par Pékin, et continue de promettre "des bénéfices réels et durables" aux Américains, citant notamment les entreprises et les agriculteurs, pourtant fragilisés depuis le retour au pouvoir du républicain.