Accueil dans les commissariats et gendarmerie : le Défenseur des droits alerte sur un service public très inégalitaire

Propos déplacés, absence d’interprète, inaccessibilité des locaux aux personnes en situation de handicap, refus de dépôt de plaintes… Depuis le début des années 2000, les saisines et alertes du Défenseur des droits se multiplient à propos des défaillances diverses dans l’accueil au sein des commissariats et brigades de gendarmerie. Elles concernent surtout certains publics tels que les femmes victimes de violences, les personnes étrangères ou racisées ou les personnes sans domicile fixe. Une situation qui conduit à la mise en place de mesures pour tenter d’améliorer l’accès à ce service public essentiel pour l’ensemble de ces citoyens.

« Charte déontologique, création de référents spécialisés (violences conjugales, LGBTQI +, etc.) témoignent d’une volonté d’amélioration », reconnaissent les chercheurs mandatés par l’autorité indépendante chargée d’assurer le respect de la déontologie des personnes exerçant des activités de sécurité. Pourtant, selon leur rapport intitulé « Solliciter les forces de l’ordre : évolutions et inégalités relatives à l’accès au service public policier », le compte n’y est pas. L’accueil du public reste souvent assuré par des fonctionnaires peu expérimentés.

Dans de nombreux commissariats, il est perçu comme une tâche secondaire, voire une corvée. Résultat : les requérants sont confrontés à des délais d’attente importants, des réponses inadaptées ou un manque de considération.

« Le service public policier n’a pas partout le même visage »

De plus, « le service public policier n’a pas partout le même visage », imagent les chercheurs. Entre un grand commissariat urbain bien doté et une brigade rurale en sous-effectif, la qualité du service peut varier du tout au tout. La fermeture de nombreux postes de police ces dernières années a aggravé la situation, obligeant certains citoyens à parcourir plusieurs kilomètres pour porter plainte. Ou à y renoncer. En Outre-mer, comme en Guadeloupe, la barrière de la langue, des effectifs en rotation permanente venus de métropole (et ne parlant pas tous le créole) et des tensions historiques avec la population compliquent l’accès aux services de police et de gendarmerie.

Le profil des requérants influence également leur prise en charge. Les personnes précaires, étrangères ou issues de minorités, comme les Roms, déclarent plus de difficultés à faire entendre leur voix. Certains jeunes hommes des quartiers populaires, souvent contrôlés et verbalisés, renoncent à solliciter la police lorsqu’ils sont victimes.

« Ils estiment que ces services publics ne peuvent agir « pour eux » mais « contre eux », ils relatent des expériences qui mettent en évidence une forme d’incapacité à les regarder comme des victimes potentielles », pointe l’étude. À l’inverse, certains usagers parviennent à contourner l’attente en s’adressant directement aux officiers.

« Les observations conduites en commissariats montrent que certains requérants parviennent, en raison de leur statut social ou de leur profession, à éviter l’attente, à contourner les agents de première ligne en s’adressant directement à la hiérarchie policière et à assurer un traitement rapide de leurs requêtes », détaille le rapport.

Pour ces « clients VIP » du commissariat, comme les appellent les policiers, il s’agit avant tout d’influencer discrètement l’action des forces de l’ordre. Les chercheurs ont pu établir que « les proximités entre les requérants aisés et la police se tissent également à travers des mobilisations sécuritaires, comme c’est par exemple le cas de collectifs de Voisins vigilants dans les beaux quartiers ».

Un accueil souvent perçu comme impersonnel, voire dissuasif

Si l’accueil physique dans les commissariats et brigades est censé garantir un accès au service public pour tous, il est souvent perçu comme impersonnel, voire dissuasif. C’est typiquement le cas pour les victimes de violences sexistes et sexuelles. Le manque persistant de formation des agents, les longs délais de traitement, et la tendance des agents à minimiser des faits restent préjudiciable aux victimes. Certaines femmes renoncent ainsi à déposer plainte après une première expérience éprouvante.

Face à ces constats, le Défenseur des droits recommande le renforcement de la formation initiale et continue des agents à l’accueil et à la prise en charge des publics, notamment les plus vulnérables, et la valorisation de cette mission d’accueil par l’institution, mais aussi la mise en place des moyens matériels et humains nécessaires à la garantie d’un accès effectif et sans discrimination au service public de la police.

Il préconise aussi « le développement de dispositifs d’évaluation et de suivi pour garantir une qualité d’accueil homogène sur l’ensemble du territoire ». L’enjeu, de taille, n’est autre que de restaurer la confiance, mise à mal depuis des années, entre la population et ses forces de police et de gendarmerie.

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