24,7 % de « personnes gravement blessées » en plus : la répression policière a atteint des sommets en 2023, selon le rapport de l’IGPN
Manifestation contre la réforme des retraites, mobilisation contre les mégabassines, révoltes suite à la mort de Nahel Merzouk à Nanterre… 2023 aura été une année de luttes particulièrement intenses. Mais qui dit luttes, dit aussi répression.
Régulièrement pointée du doigt par des ONG, et même par l’ONU, la police française s’illustre par sa brutalité dans ses missions de « maintien de l’ordre », dont l’Inspection Générale de la Police Nationale rend compte chaque année dans un rapport.
Selon les chiffres de la police des polices, l’usage des armes dites de « létalité réduite » a atteint des niveaux similaires, et supérieures dans certains cas, à ceux de 2018, année du début du mouvement des Gilets Jaunes.
91 blessés et 37 morts en 2023
Au total, 37 personnes sont mortes, et 91 autres ont été blessées au cours des diverses actions de la police nationale en 2023.
En mars 2023, l’IPGN recense 18 blessés et rappelle que le mois est « marqué par les manifestations contre la réforme des retraites ». Sans plus de précision quant au volume directement relié, si ce n’est que « 20 personnes ont été gravement blessées en 2023 dans un contexte de maintien de l’ordre en particulier dans le cadre des journées nationales d’action contre les manifestations de la loi retraite ».
Mais rien de précis sur la mobilisation contre les mégabassines à Sainte-Soline le 25 mars. Pourtant, les forces de police avaient été très rapidement décriées pour leur usage disproportionné de la force. Rien non plus sur les témoignages des secours expliquant avoir été interdit d’accès pour prendre en charge les nombreux blessés, dont certains dans un état grave.
Plus tard, la mort de Nahel Merzouk, à Nanterre, le 27 juin, a déclenché une série de révoltes urbaines à travers le pays. Révoltes ayant entraîné la mise en place d’un immense dispositif policier, au sein duquel le RAID et la BRI ont été déployés alors que leur mission initiale est tout sauf destinée au « maintien de l’ordre ».
Résultat : 27 blessés comptabilisés en juin et juillet, ainsi qu’une personne décédée, à Marseille. Il s’agit de Mohammed Bendriss, tué par un tir de LBD venant de policiers du RAID, en marge des affrontements de la nuit du 1er au 2 juillet.
Le nombre de grenades utilisées a augmenté de 173 % entre 2022 et 2023
Entre 2022 et 2023, le nombre de déclarations de « personnes gravement blessées » a augmenté de 24,7 %. Une augmentation logique lorsque l’on regarde le niveau d’usage des grenades de désencerclement et des LBD (lanceur de balle de défense).
En 2023, l’IGPN recense 2 484 usages des grenades de désencerclement (qui propulsent des palets en caoutchouc lorsqu’elles explosent – NDLR), pour un total de 5 263 munitions, soit 14 par jour en moyenne. Ce niveau se rapproche de celui observé en 2018, année du mouvement des Gilets Jaunes, au cours de laquelle l’usage de cette arme a été massifié.
« Les grenades de désencerclement sont tellement dangereuses qu’elles ne devraient pas du tout être utilisées, mais elles le sont au quotidien pour de la gestion des foules en maintien de l’ordre, explique Fanny Gallois. Et c’est pareil pour les LBD. » La responsable du programme libertés de l’antenne française d’Amnesty International rappelle par ailleurs que la France est le seul pays d’Europe à utiliser de telles grenades dans ces circonstances.
Quant au LBD, mis en cause dans de nombreuses affaires de mutilations, son usage a augmenté de 50 % entre 2022 et 2023 pour un total de 4 583 utilisations et 21 289 munitions tirées (contre 7 020 en 2022), soit en moyenne 5 munitions tirées par utilisation.
« Pendant les manifestations contre la loi Travail en 2016, un tir de LBD, c’était exceptionnel », explique Maxime Sirvins, journaliste à Politis. « En 2023, lorsqu’il n’y avait pas de tirs de LBD quand on couvrait les manifestations, on était presque surpris (…). L’exceptionnel est devenu la norme », poursuit celui qui a couvert les manifestations pendant plusieurs années.
La police française rappelée à l’ordre par le Conseil d’État en 2023
En janvier 2020, il crée le site maintiendelordre.fr pour justement répertorier les différentes unités déployées et armes utilisées en manifestation. Et sa liste est bien plus exhaustive que celle de l’IGPN : « Il n’y a pas d’informations sur les grenades explosives, comme la GN2L, celle qui peut arracher des mains lorsqu’on la ramasse. Il n’y a rien non plus sur les grenades assourdissantes et il n’y a même pas les grenades lacrymogènes », précise-t-il en pointant également l’absence d’éléments de contexte des opérations au cours desquelles ces armes sont utilisées.
Autre angle mort du rapport, la question du RIO (référentiel des identités et des organisations) ne fait l’objet que d’une seule page. Pourtant, la question de ce matricule, qui permet l’identification des fonctionnaires lorsqu’ils sont impliqués dans des violences, a fait l’objet d’une décision du Conseil d’État en octobre 2023.
La juridiction avait alors donné un an à la police pour que « le numéro d’identification individuel soit effectivement porté ». Une décision sur laquelle ironise volontiers Maxime Sirvins : « C’est presque devenu un running gag, tu vois des gens en manifestation qui s’amusent à compter, sur une compagnie, combien vont le porter ».
« L’IGPN ne fait que reprendre les éléments du Conseil d’État, il n’y a aucun commentaire ni aucun chiffre sur la question du non-port du RIO », commente Fanny Gallois en indiquant que la juridiction ne fait que rappeler le devoir légal du ministère de l’Intérieur. Et pour l’instant, aucun des locataires de la place Beauvau ne semble avoir la volonté de respecter la loi.
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