Un CRS sera jugé pour la main arrachée d’un gilet jaune en 2018, la date du procès n’est pas encore connue

À l’issue de plus de quatre ans d’information judiciaire, un juge d’instruction a ordonné au début du mois de décembre le procès d’un CRS pour blessures involontaires sur un gilet jaune qui a eu la main arrachée dans l’explosion d’une grenade en novembre 2018. Le magistrat instructeur a estimé que le major, aujourd’hui âgé de 53 ans, n’avait certes pas été « animé par une volonté » de blesser Gabriel Pontonnier, mais qu’il n’avait pas pris les précautions nécessaires au lancer de la grenade.

Jackie D. a tiré « en direction d’un groupe d’individus » malgré « d’importantes quantités de fumées » et malgré « l’obscurité » qui l’empêchaient de voir correctement. Il « n’a jamais cherché à savoir s’il avait pu blesser quelqu’un » et a même omis « d’annoncer son tir sur les ondes », a souligné le juge dans son ordonnance rendue le 4 décembre et dont l’Agence France-Presse (AFP) a eu connaissance le 10 décembre. Le juge relève également que le tir n’a pas été effectué en binôme, avec un superviseur.

Déresponsabilisation et utilisation d’armes de guerre

En avril dernier, le parquet de Paris avait pourtant requis un non-lieu, estimant que l’usage de cette grenade était « nécessaire et proportionné » et réalisé dans le cadre légal prévu. L’IGPN (l’inspection générale de la police), avait eu la même analyse, considérant que la situation du 24 novembre 2018 était « insurrectionnelle » et que Jackie D. était alors « à court » d’autres types de grenade.

Le rôle et le travail de l’IGPN sont depuis plusieurs années vivement critiqués, spécialistes et associations estimant qu’elle était devenue une grande machine les agents. Le programme du Nouveau Front Populaire prévoit même de supprimer l’IGPN et l’IGGN (la déclinaison de l’inspection pour la gendarmerie).

Jackie D. a de son côté assuré au magistrat instructeur avoir tiré au « meilleur endroit » possible. « Je ne suis pas né CRS, je le suis devenu », avait-il aussi fait valoir, souillant la célèbre citation de Simone de Beauvoir dans le Deuxième Sexe. « Et de l’ensemble de mes formations, (…), aucune ne mentionne un quelconque superviseur pour l’emploi d’une grenade à main », a-t-il complété.

Cette décision de le renvoyer devant un tribunal « est le fruit d’une application rigoureuse des textes régissant l’emploi de la grenade GLI-F4 », ont salué les avocats de la famille Pontonnier, William Bourdon, Vincent Brengarth et Emma Eliakim. Cette « avancée récompense le travail acharné mené avec la famille depuis plus de six ans », ont-ils insisté auprès de l’AFP, regrettant toutefois le non-lieu prononcé pour le chef de mise en danger.

« On attend vraiment que les dates du procès soient fixées pour y croire », a réagi auprès de l’AFP la mère de Gabriel Pontonnier, Dominique. « On n’a plus le même rapport à la vie, on s’est recroquevillé sur nous-mêmes. Il y a tant de choses que je ne m’autorise plus à faire, en pensant à Gabriel », a ajoute-t-elle.

La GLI-F4 est une grenade contenant une charge explosive constituée de 25 grammes d’un explosif générant un effet assourdissant, une onde de choc et la dispersion de gaz lacrymogène. Elle était utilisée par les forces de police françaises de 2011 à 2020, la France étant le seul pays européen à l’utiliser pour le « rétablissement de l’ordre ». Elle est à l’origine de nombreux cas de blessures et mutilations, en manifestations notamment et est classifiée en tant qu’armes de guerre dans le Code de la sécurité intérieure.

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