Ukraine : La Russie accepte avec des « nuances » la proposition de trêve

L’accélération autour d’un processus de paix pour mettre un terme à la guerre en Ukraine est suspendue à la réponse de Moscou. Le projet d’un cessez-le-feu partiel de 30 jours, concernant l’espace aérien et maritime acté à Djedda, mardi, par Washington et Kiev mettait la pression sur les autorités russes. La réponse est tombée, jeudi 13 mars, lors d’une conférence de presse conjointe entre Vladimir Poutine et Alexandre Loukachenko.

Le président russe a déclaré être d’accord pour arrêter les combats mais « avec des nuances ». « Nous sommes d’accord avec les propositions visant à mettre fin aux hostilités, mais nous partons du principe que cette trêve doit conduire à une paix durable et s’attaquer aux causes profondes de cette crise », a expliqué Vladimir Poutine. Il a rappelé que des « questions sérieuses » concernant le fonctionnement d’une trêve en Ukraine devaient encore être « réglées ».

Avant de recevoir l’émissaire américain pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, potentiellement au Kremlin, pour évoquer la proposition de trêve en Ukraine, Vladimir Poutine s’est rendu dans la région russe de Koursk. Occupée depuis le mois d’août par les forces ukrainiennes, cette première visite de terrain du président russe est un vrai signal avant de lancer des négociations. « Je m’attends à ce que toutes les missions de combat auxquelles nos unités sont confrontées soient accomplies et que le territoire de la région de Koursk soit bientôt complètement libérée de l’ennemi », a-t-il déclaré, vêtu d’un uniforme militaire.

Moscou réclame la prise en compte de ses intérêts

Face à l’avancée russe, le commandant en chef de l’armée ukrainienne, Oleksandre Syrsky, a laissé entendre mercredi que ses troupes se repliaient dans la région, même si des combats « se poursuivaient ». L’intensification des opérations sur Koursk, où l’armée russe aurait repris la ville de Soudja, et le tempo de cette visite n’ont rien d’un hasard.

Elle intervient en pleine phase diplomatique et après le gel durant plusieurs jours de l’aide américaine à l’Ukraine. Pour le pouvoir, « il est important non seulement sur le plan militaire mais surtout sur le plan diplomatique de récupérer l’ensemble du territoire. Moscou avait refusé de négocier avec Kiev tant que des troupes ukrainiennes se trouvaient en Russie », rappelle Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe.

D’autres interrogations demeurent sur la trêve et la conciliation des objectifs russes : cession de territoires, changement de régime, démilitarisation de l’Ukraine, renoncement à l’entrée du pays dans l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). Une première réponse est venue de Iouri Ouchakov. Dans un entretien à la télévision, le conseiller sur les questions de politique étrangère du président russe a prévenu jeudi : « La Russie recherche un règlement à long terme qui tienne compte de ses intérêts et de ses préoccupations. »

La Russie hostile au déploiement de troupes européennes

En gros, Iouri Ouchakov a jugé que « le cessez-le-feu proposé n’est rien d’autre qu’un répit temporaire pour les forces ukrainiennes » avant d’ajouter : « Personne n’a besoin de mesures qui imitent les actions de paix. L’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN ne peut être discutée dans le contexte de la résolution de la crise. » Ce dernier a conclu en espérant que les États-Unis « prendront en compte ses demandes » qui avaient été transmises la veille au conseiller américain à la sécurité nationale, Mike Waltz, lors d’un appel.

L’autre critique a été portée par la porte-parole de la diplomatie russe qui a condamné l’idée du déploiement d’un contingent européen en Ukraine en cas d’accord sur la fin des hostilités. Maria Zakharova a déclaré : « Il est absolument inacceptable pour nous que soient déployées des unités des forces armées d’autres États en Ukraine (…), tout cela signifierait l’implication de ces pays dans un conflit armé direct avec notre pays, auquel nous répondrons par tous les moyens disponibles. »

Devant ces doutes, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov a averti qu’il était « possible » que Vladimir Poutine « ait une conversation téléphonique internationale ce soir également, assez tard » avec Donald Trump. Du côté de l’Ukraine, l’impatience grandit. Le président Volodymyr Zelensky a estimé que le pays était prêt « à un cessez-le-feu aérien et maritime » et même à « l’étendre à la terre ferme » comme le proposaient les États-Unis. « Malheureusement, depuis plus d’un jour, le monde n’a toujours pas entendu de réponse significative de la Russie aux propositions faites. Cela démontre une fois de plus qu’elle cherche à prolonger la guerre. Nous espérons que la pression américaine sera suffisante pour obliger la Russie à y mettre fin », a réclamé le dirigeant ukrainien.

Une trêve réellement sans conditions ?

À Moscou, la délégation états-unienne est emmenée par Steve Witkoff qui devient le principal responsable des pourparlers. Après avoir rencontré Vladimir Poutine, un mois auparavant durant trois heures, l’américain de 67 ans, magnat de l’immobilier devait, selon Donald Trump, obtenir une trêve « sans conditions » comme gage de bonne volonté, trois ans après le début de l’invasion contre son voisin.

De son côté, le secrétaire d’État américain avait estimé mercredi que si la réponse était positive « il y a une véritable chance de paix ». Le président des États-Unis avait prévenu, la Russie « doit accepter l’accord négocié par les États-Unis et l’Ukraine, faute de quoi elle devra subir des représailles économiques ». Droits de douane, sanctions, guerre économique, l’administration américaine promet une pression financière qui « serait dévastatrice ». Mais Marco Rubio, secrétaire d’État, a temporisé au G7, ce jeudi, pour éviter tout langage « hostile » à l’égard de la Russie…

Pour le journal Novaya Gazeta, l’accord de cessez-le-feu va prendre énormément de temps, « les négociations les plus complexes vont commencer, avec une durée incertaine et des résultats encore plus incertains » et qui ne seront pas « satisfaisants » voir « se révéleront infructueux ». Mais, prévient le quotidien, « entre-temps, les gens ne mourront pas. Et seule cette variante de l’évolution des événements offre une chance de sortir du conflit. Et si vous ne vous arrêtez pas, si vous ne cessez pas de tirer et si vous ne commencez pas à parler, cette chance n’existera certainement pas ».

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