Guerre en Ukraine : « Moscou pourrait accepter l’idée d’une trêve sous réserve »

Alors que débutent des négociations en Arabie saoudite entre les délégations américaine et ukrainienne, une des propositions avancées porte sur un cessez-le-feu partiel. Ce cadre pourrait-il convenir à Moscou pour un accord ?

Igor Delanoë

Directeur adjoint de l’Observatoire franco-russe

La Russie, qui dispose de l’initiative sur le champ de bataille, a toujours été opposée, depuis l’échec des pourparlers d’Istanbul en avril 2022, à un cessez-le-feu. La semaine dernière, on a cependant appris que Moscou pourrait accepter l’idée d’une trêve, sous réserve que des discussions concrètes s’engagent sur ce que les Russes considèrent comme les « racines » du conflit en Ukraine.

Est-ce un revirement ou une manœuvre afin de ne pas apparaître plus va-t-en-guerre que Kiev ? Ce qui est certain, c’est que Donald Trump souhaite mettre un terme à ce conflit rapidement, « quoi qu’il en coûte », tandis que Vladimir Poutine veut encore atteindre ses buts de guerre, si ce n’est sur le champ de bataille, alors à la table des négociations. Selon moi, la présence d’une force de « maintien de la paix » pourrait être acceptée par le Kremlin, sous réserve qu’elle ne comporte pas de troupes de l’Otan.

Le second mandat de Donald Trump débute par un changement rapide de la ligne diplomatique des États-Unis vis-à-vis de la Russie et de la guerre en Ukraine. Comment analysez-vous ce virage ?

Les Russes ont accueilli avec une froide satisfaction l’élection de Donald Trump car ils n’entretenaient aucune illusion à l’égard de ce que le président américain pourrait entreprendre vis-à-vis de la Russie. Le premier mandat du milliardaire avait en effet réservé de mauvaises surprises aux Russes.

Toutefois, depuis son retour au pouvoir en janvier, les prises de position du président des États-Unis sur l’Ukraine et sur l’Europe ont amené le Kremlin à prudemment jouer le jeu et, certainement, à se prendre à croire qu’une « fenêtre » est possible pour résoudre la guerre. Le virage le plus remarquable est que, désormais, le dossier ukrainien n’est plus considéré aux États-Unis comme un verrou pour ses relations avec la Russie.

Assiste-t-on à des relations totalement bouleversées et sereines, ou des zones de tension demeurent-elles ?

Nous en sommes seulement aux balbutiements de la remise à plat de la relation bilatérale. Russes et Américains commencent par reconstituer les canaux diplomatiques malmenés par plusieurs années de tensions, depuis les expulsions massives de diplomates sous le premier mandat de Donald Trump jusqu’à l’empilement de sanctions contre la Russie décidées par l’administration Biden. Toutefois, on perçoit de part et d’autre une authentique volonté d’avancer. La question reste de savoir jusqu’où Russes et Américains peuvent progresser dans le rétablissement de leurs liens, alors que la guerre en Ukraine continue de faire rage.

Les relations avec l’Europe demeurent conflictuelles. L’invasion par la Russie est perçue comme une des principales menaces par Paris, Londres, Varsovie notamment. Un accord de sécurité en Europe avec Moscou est-il envisageable ?

La remise à plat de l’architecture de sécurité en Europe fait partie des objectifs que les Russes affirment poursuivre. Celle-ci ne pourrait, raisonnablement, intervenir qu’une fois le conflit en Ukraine réglé ou en voie de règlement. L’état final maximaliste recherché par les Russes est inscrit dans les deux documents qu’ils ont soumis à l’Otan et aux États-Unis sous forme d’ultimatum en décembre 2021.

Depuis, les officiels russes évoquent plus une architecture de sécurité eurasiatique que celles de l’Atlantique à l’Oural ou de Lisbonne à Vladivostok évoquées dans les années 1980 et 1990. Les appels de Donald Trump à engager un dialogue sur la stabilité stratégique et le contrôle – voire le désarmement nucléaire – avec la Russie et la Chine ont rencontré un certain écho au Kremlin.

Contrairement à ce qui s’était produit lors de la fin du premier mandat de Donald Trump, lorsque Moscou et Washington renégociaient le traité New Start (sur le désarmement nucléaire – NDLR), les Russes ont plutôt réagi positivement à l’idée d’un trilogue Russie – États-Unis – Chine sur le sujet. Ils appellent d’ailleurs à y inclure les Français et les Britanniques. Le premier test va arriver vite : le traité New Start arrive à expiration en février 2026, et rien n’est prévu pour une nouvelle extension.

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