Attaques contre la recherche aux États-Unis : un danger pour le changement climatique, souligne François Gemenne

Depuis l’Europe, les attaques croissantes contre les chercheurs aux États-Unis préoccupent les experts, notamment dans le domaine de la recherche climatique. Les États-Unis, qui ont été un acteur majeur dans la collecte de données sur le climat, notamment en matière d'observation de la Terre, risquent de s’éloigner de ce domaine vital. Cette situation pourrait durer pendant de longues années, car les États-Unis étaient un des pays les plus importants pour la recherche sur le climat, et ce, dans de nombreux domaines.

La recherche à long terme mise en péril

La recherche scientifique nécessite des investissements sur le long terme. Les coupes budgétaires et les interdictions sur certains sujets de recherche risquent de porter atteinte à cet investissement. Il devient de plus en plus difficile pour les doctorants de se lancer dans des thèses sur le changement climatique aux États-Unis. Les étudiants, notamment étrangers, pourraient être découragés de rejoindre ces filières, ce qui entraînerait la fermeture de laboratoires et la disparition de certaines disciplines de recherche. Certaines universités prestigieuses, comme Columbia et Harvard, déjà confrontées à des incertitudes financières, risquent de perdre leur attractivité pour les chercheurs et les étudiants.

Le GIEC et l'absence des États-Unis : un danger pour la science

Le retrait des États-Unis du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et l'absence de chercheurs américains dans la préparation du prochain rapport d'évaluation soulèvent des inquiétudes majeures. Lors de la dernière réunion du GIEC en Chine, les États-Unis n’étaient pas représentés. En outre, le gouvernement américain a empêché la co-présidente du Groupe 3 du GIEC, Katharine Calvin, de participer à la réunion. Ancienne directrice scientifique de la NASA, elle a été renvoyée, et la Maison Blanche a décidé de supprimer son poste. Cette situation remet en cause la participation des chercheurs américains dans le processus du GIEC, ce qui pourrait avoir des conséquences directes sur la légitimité des rapports climatiques mondiaux.

Les risques pour la légitimité des rapports du GIEC

Les États-Unis jouent un rôle majeur dans la rédaction des rapports du GIEC, représentant une part significative des auteurs. Lors du sixième rapport d'évaluation, 74 auteurs sur les 721 étaient américains, soit environ 10 % du total. L'absence de chercheurs américains dans le prochain rapport pourrait sérieusement affaiblir la légitimité des conclusions scientifiques du GIEC. Si les États-Unis se retirent complètement du processus, cela pourrait entraîner une remise en question de l'autorité scientifique des rapports et perturber le consensus scientifique mondial. Ces rapports sont essentiels pour orienter les politiques climatiques à l’échelle mondiale et pour soutenir les négociations internationales. Leur rejet par les États-Unis risquerait de fragiliser cette base de discussion et de coopération internationale.

Une remise en cause des bases de la coopération internationale

Le GIEC est une organisation intergouvernementale, ce qui signifie que chaque pays doit être représenté parmi les auteurs des rapports afin d'assurer leur acceptation par tous les gouvernements. Les pays en développement, en particulier, accordent une grande importance à la représentation des chercheurs de ces régions. Si les États-Unis se retirent du processus, cela pourrait affecter la crédibilité des rapports du GIEC et diviser la communauté scientifique internationale. Cette situation pourrait également perturber les négociations mondiales sur le climat, car les rapports du GIEC servent de base à l’élaboration des politiques climatiques mondiales.

Une telle évolution pourrait mener à un monde où chaque pays défend sa propre version de la science climatique, ce qui nuirait gravement à la coopération internationale et à l’efficacité de la lutte contre le changement climatique. Cela compromettrait la capacité de la communauté mondiale à répondre de manière coordonnée et efficace aux défis climatiques urgents.