Retrait des États-Unis de l'OMS, baisse du budget de la recherche... Le "8h30 franceinfo" de la directrice de l'Institut Pasteur

Yasmine Belkaid, directrice générale de l'Institut Pasteur, était l’invitée du "8h30 franceinfo", mercredi 22 janvier. Les États-Unis quittent l'Organisation mondiale de la santé, les effets du changement climatique sur l'évolution des virus... Elle répondait aux questions de Salhia Brakhlia et Jérôme Chapuis. 

Retrait américain de l'OMS, une "très grave" décision

"Diminuer l'investissement dans la compréhension des maladies et la capacité à avoir des chiffres sur lesquels on peut se reposer de façon collective pour prendre des décisions est très grave", estime la directrice de l'Institut Pasteur. Yasmine Belkaid réagit à l'annonce faite par Donald Trump de sortir les États-Unis de l'Organisation mondiale de la santé, alors que son pays en est le principal contributeur financier.

Elle décrit le rôle de l'OMS comme "un élément de partenariat total", notamment récemment à Mayotte. C'est également un "élément réactif qui est là pour nous donner des tonnes de données, favoriser des vaccinations, travailler avec les pays qui sont affectés par les maladies", ajoute-t-elle. "La santé affecte le monde, les infections affectent le monde et nous avons besoin d'organisations internationales. L'OMS, comme toutes les organisations internationales qui sont là pour développer et promouvoir la santé internationale, est absolument nécessaire", assure enfin la directrice de l'Institut Pasteur.

Baisse annoncée du budget de la recherche, "c'est quelque chose d'irréversible"

"C’est à se demander si on apprend des leçons de l’histoire, et même d’une histoire très récente", questionne Yasmine Belkaid, faisant référence à l’épidémie de Covid en 2020 et alors que le budget de la recherche et de l’enseignement supérieur doit diminuer de 630 millions d’euros dans le projet de loi de finances 2025 (il était de près de 27 milliards en 2024). "Dix ans avant l’épidémie, le gouvernement avait investi moins de 28% en recherche biomédicale", rappelle-t-elle. Avec la baisse annoncée du budget pour la recherche, "on est en train de reproduire une chose similaire. Si on diminue les investissements [malgré l’augmentation des maladies infectieuses], on se rend extrêmement vulnérables et dépendants d’autres environnements pour trouver les solutions de demain", détaille Yasmine Belkaid.

"Couper [ce budget] c’est quelque chose d’irréversible, prévient-elle, car c’est un investissement sur le long terme". Elle détaille le parcours pour qu’un scientifique soit au niveau : "Pour qu’un scientifique devienne un scientifique, c’est 20 ans d’investissements". La directrice de l’Institut Pasteur explique que 17% de son budget provient des subventions de l’État. Une baisse de ces moyens, "ça a un impact direct sur les travaux de tous nos chercheurs, et ça impacte tout l’écosystème français" de la recherche, citant Pasteur, mais aussi l’Inserm ou l’APHP. "La recherche ne devrait pas être sujette à des fluctuations politiques. Elle appartient à la société et doit être protégée sur le long terme", réclame-t-elle.

Les virus et le "chaos écologique"

"Si on regarde l'évolution des virus et des pathogènes au travers des 10, 20 ou 30 dernières années, il y a une accélération", explique la directrice de l'Institut Pasteur. Elle constate également une accélération des épidémies sur la même période. Cette évolution est due au "chaos écologique" formé par le dérèglement climatique et la déforestation, assure-t-elle : "Les changements climatiques vont changer la façon dont les insectes vecteurs, qui transmettent ces pathogènes, peuvent évoluer et changer d'environnement. Par exemple, les moustiques. Les tiques aussi sont en train de transmettre de façon accélérée des virus", explique Yasmine Belkaid.

Quant à la déforestation, elle entraîne des déplacements des populations d'animaux potentiellement porteurs de maladies transmissibles à l'homme : "On est en train d'imposer des évolutions de pathogènes au niveau de leur localisation, mais aussi de leur pathogenèse", résume-t-elle. Et on peut déjà constater les résultats de ce phénomène, par exemple, "cette année, il y a eu beaucoup plus de moustiques à Paris, on a eu des cas de dengue en France" métropolitaine, rappelle notamment la directrice de l'Institut Pasteur.