REPORTAGE. "Un procès important", "une farce" : Jair Bolsonaro jugé pour tentative de coup d'État dans un Brésil divisé
Le jour J pour Jair Bolsonaro. Son procès pour tentative de coup d'État s'ouvre mardi 2 septembre. Sept autres coaccusés sont devant les juges de la Cour suprême brésilienne tandis que l'ex-président n'assistera pas à la phase finale de son procès, a déclaré lundi l'un de ses avocats. Le destin politique de Jair Bolsonaro se joue dans un pays où se réveillent les tensions et où plane l'ombre des États-Unis.
Les huit accusés, qui comparaissent à partir de mardi, sont les têtes pensantes, ceux qui ont organisé le complot pour revenir sur les résultats des urnes lors de la présidentielle de 2022. Parmi eux, des généraux et d'anciens ministres, mais Jair Bolsonaro est évidemment au centre de toutes les attentions. Dans le détail, il est accusé de cinq crimes : "coup d'État", "tentative d'abolition violente de l'État de droit démocratique", "organisation criminelle armée", ainsi que de deux autres accusations liées aux destructions des émeutes du 8 janvier 2023.
Chaque crime va être analysé de façon indépendante mais, pour l'ensemble, il risque 43 ans de prison. Au vu du nombre de preuves, la condamnation est presque certaine, mais il reste quelques doutes. Les juges devront par exemple déterminer si certaines accusations se superposent. Dans ce cas, la peine de l'ex-président pourrait être plus légère. Quoi qu'il en soit, si elle dépasse les huit ans et si ses conditions de santé le permettent, il devrait écoper d'une peine de prison ferme. Les plus optimistes espèrent que ce procès, le premier de l'histoire brésilienne pour une tentative de coup d'État, puisse apaiser les tensions dans un pays profondément divisé.
Le sort de Jair Bolsonaro sur toutes les lèvres
Les opposants à l'ex-président attendent le verdict avec impatience mais aussi beaucoup de craintes, comme Karina. "Je pense que ce procès est très important, pour tous les crimes qu'il a commis. Mais je suis inquiète de voir le Congrès tenter de faire pression sur le judiciaire, explique-t-elle. En peu de temps, Bolsonaro a divisé le pays, donc j'ai très peur que tout cela ne serve à rien et qu'il puisse revenir."
À l'inverse, les partisans de l'ex-président crient à la persécution politique et se mobilisent. Dans les rues de Rio de Janeiro, au milieu des embouteillages, Monica et une poignée de ses collègues agitent des pancartes incitant les automobilistes à klaxonner pour montrer leur soutien à Jair Bolsonaro. Les klaxons sont nombreux, les insultes aussi, mais l'important est de faire acte de présence. Car, aux yeux de la Brésilienne, le pays est en train de devenir une dictature : "Ce jugement est une farce, une immense farce. C'est la dictature du judiciaire, on se rend compte qu'aujourd'hui c'est le pouvoir judiciaire qui commande le pays. En interne, il n'y a rien à attendre, on a besoin d'une aide externe. Donc, il nous faut Trump !"
Donald Trump en soutien de l'ex-président
D'ailleurs, l'ombre de Donald Trump plane sur le jugement de Jair Bolsonaro. Pour le président américain, l'ex-chef d'État brésilien fait face à une persécution politique, similaire à celle qu'il considère avoir lui-même subie. Donalmd Trump a décidé de sanctions lourdes contre le pays, une ingérence sans précédent, encouragée par les proches de Jair Bolsonaro.
L'un de ses fils, Eduardo, s'est exilé aux États-Unis pour alerter l'administration trumpiste de la supposée persécution politique contre son père. Et sa mission a réussi au-delà de ses espérances. "Le Brésil réprime de la même façon que Daniel Ortega au Nicaragua ! Et vous croyez que Trump ne devrait pas réagir en prenant des sanctions contre les personnes qui font cela ? Mais s'il ne fait pas ça, le virus autoritaire brésilien va s'étendre jusqu'au territoire américain", déclare-t-il.
"C'est le pire moment entre nos deux pays en 200 ans de relations bilatérales, et cela va probablement empirer si Jair Bolsonaro est condamné."
Mauricio Santoro, professeur de relations internationalesà franceinfo
En prenant prétexte de ce procès, Donald Trump a eu la main lourde avec des tarifs douaniers de 50% sur certains produits et des sanctions contre deux juges. Une situation alarmante pour le professeur de relations internationales, Mauricio Santoro : "Les États-Unis sont le deuxième partenaire commercial du Brésil, juste après la Chine. Les effets de ces tarifs douaniers sont énormes." Les affinités idéologiques entre les deux hommes n'expliquent pas tout. Donald Trump en profite également pour faire pression contre les velléités du Brésil de légiférer sur les entreprises technologiques américaines. Mais il reste qu'en agissant ainsi, il pousse davantage le pays dans les bras de la Chine.