France-Algérie : Macron et Tebboune relancent leur relation bilatérale après des mois de crise
Arrestation de Boualem Sansal, attentat de Mulhouse, reconnaissance par Emmanuel Macron de la "souveraineté marocaine" sur le Sahara occidental, arrestation d'influenceurs algériens : les relations franco-algériennes sont en crise depuis plusieurs mois. Lors d'un échange téléphonique, les présidents français Emmanuel Macron et algérien Abdelmadjid Tebboune ont acté, lundi 31 mars, une relance de la relation bilatérale, qui reste toutefois suspendue à la libération de l'écrivain Boualem Sansal et à des enjeux de politique intérieure dans les deux pays.
Les deux présidents, qui se sont entretenus le jour de l'Aïd el-Fitr marquant la fin du ramadan, ont marqué "leur volonté de renouer le dialogue fructueux" engagé lors de la visite d'Emmanuel Macron à Alger en août 2022, selon un communiqué commun.
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"Ils sont convenus que la force des liens – en particulier humains – unissant la France et l'Algérie, les intérêts stratégiques et de sécurité respectifs des deux pays, les défis et crises auxquels l'Europe, la Méditerranée et l'Afrique étaient confrontées exigeaient le retour à ce dialogue d'égal à égal."
Ils ont ainsi décidé de "la reprise sans délai de la coopération sécuritaire", essentielle pour la lutte contre le terrorisme, notamment au Sahel, et contre les trafics humains.
La coopération migratoire, au coeur de la crise ces dernières semaines, doit aussi "être immédiatement réinitiée, dans une logique de résultats répondant aux préoccupations des deux pays", ont également les deux dirigeants, qui ont toujours joué la carte de leur relation personnelle pour surmonter les difficultés entre les deux pays.
Reprise du travail de mémoire
La question de la réadmission dans leur pays d'origine des Algériens sous obligation de quitter le territoire français (OQTF), brandie à de multiples reprises par le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau, a enflammé les relations bilatérales.
La crise a atteint son paroxysme après l'attentat de Mulhouse (est) ayant fait un mort le 22 février, commis par un Algérien qui avait fait l'objet de plusieurs demandes de réadmission, refusées par l'Algérie.
Mais la volonté d'apaisement semblait prévaloir ces derniers jours. Et au sein du gouvernement français, les voix les plus critiques d'Alger, dont celle de Bruno Retailleau, se sont fait plus discrètes.
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Les deux présidents ont aussi marqué leur volonté de "poursuivre et finaliser le travail de mémoire" sur la colonisation de l'Algérie par la France (1830-1962) et la guerre d'indépendance (1954-1962), qui continuent de peser sur la relation bilatérale.
La commission mixte d'historiens mise en place par les deux capitales, qui était à l'arrêt depuis plusieurs mois, va reprendre "sans délai" ses travaux afin de remettre des "propositions concrètes" aux deux chefs d'État "avant l'été 2025".
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot va se rendre le 6 avril à Alger "afin de donner rapidement à la relation (bilatérale) l'ambition que les deux chefs d'État souhaitent lui conférer", ajoute le communiqué. Le ministre français de la Justice Gérald Darmanin effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.
Les deux présidents ont aussi "arrêté le principe d'une rencontre prochaine", est-il encore indiqué, sans plus de précisions. Ils ont insisté également sur leur volonté de "développer la coopération économique" franco-algérienne, prisonnière des aléas politiques entre les deux pays.
Une relation au bord de la rupture
La relation bilatérale a connu un violent coup de frein après l'annonce par Emmanuel Macron en juillet 2024 de son soutien appuyé à un plan d'autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, un territoire au statut non défini selon l'ONU, revendiqué par les indépendantistes du Polisario, soutenus par Alger.
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À l'automne, la brouille s'est aggravée avec l'arrestation de Boualem Sansal pour des propos tenus sur le média français Frontières, réputé d'extrême droite, considérés comme portant atteinte à l'intégrité du territoire algérien. Le chef de l'État français a appelé son homologue "à un geste de clémence et d'humanité" envers l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné jeudi à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien. Une grâce présidentielle a été évoquée.
La libération de l'écrivain est réclamée avec insistance en France, notamment à droite et à l'extrême droite de l'échiquier politique.
"C'est la fin d'une crise, mais pas encore la normalisation totale qui est conditionnée à la libération de Boualem Sansal", relève Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève.
La relation bilatérale risque de continuer à naviguer au gré des intérêts politiques en France, à deux ans de l'élection présidentielle, tout comme en Algérie où la question mémorielle est régulièrement agitée. "La question de l'Algérie, mémorielle, celles des OQTF, de la sécurité, des relations économiques vont rester un élément central jusqu'en 2027", prédit Hasni Abidi.
Avec AFP