L’IA, facteur majeur des inégalités futures ? Ce qu’en dit le rapport annuel de l’ONU sur le développement humain

Le gouffre qui sépare les pays moteurs de la mondialisation et ceux qui en sont victimes n’a jamais cessé d’exister. Mais cette année 2024 marque, selon les Nations unies (ONU), un nouveau palier. « Les écarts entre pays à indice de développement humain faible et pays à indice de développement humain très élevé, qui se réduisaient depuis des décennies, se sont de nouveau creusés ces quatre dernières années », alerte l’organisation transnationale dans son rapport 2025 sur le développement humain, publié mardi 6 mai.

Après le rebond post-Covid – la pandémie était, jusqu’ici, considérée comme une « anomalie » dont les effets devaient être exceptionnels -, l’humanité a enregistré en 2024 un ralentissement « inattendu » et « troublant » de son développement humain (qui prend en compte les niveaux de vie, de santé et d’éducation). Le rebond qui avait permis de retrouver en 2023 le niveau pré-covid « semble perdre de la vitesse », et le fossé entre pays riches et pauvres s’est encore creusé, selon le rapport annuel du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

« Cela pourrait prendre plusieurs décennies supplémentaires »

L’objectif de l’ONU, qui visait un équilibre d’ici 2030, apparaît ainsi comme compromis dans l’immédiat. « Si la lenteur des progrès enregistrés en 2024 devient « la nouvelle norme », cela pourrait prendre plusieurs décennies supplémentaires, ce qui rendrait notre monde moins sûr, plus divisé et plus vulnérable aux chocs économiques et écologiques », résume Achim Steiner, l’administrateur du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Si les experts du PNUD ne sont pas encore certains des causes profondes du ralentissement observé en 2024, ils ont identifié comme l’un des moteurs une relâche des progrès de l’espérance de vie, mais aussi la multiplication des guerres et massacres (Ukraine, Palestine, Soudan, République démocratique du Congo, etc.).

Surtout que, alertent les Nations unies, ce ralentissement est apparu avant même que plusieurs États ne coupent drastiquement dans leurs programmes d’aide destinés à l’international. L’exemple le plus parlant est celui de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), dont 92 % des fonds ont été supprimés en février dernier par l’administration Trump. Des pays comme la France, la Belgique ou l’Allemagne ont aussi réduit leurs budgets consacrés à l’aide publique au développement (APD).

Si les pays riches « cessent de financer le développement », « cela aura un impact sur les économies, les sociétés, et oui, ça se répercutera peut-être dans un an ou deux sur l’Indice de développement humain : espérance de vie raccourcie, revenus en déclin, plus de conflits », s’inquiète Achim Steiner lors d’un entretien avec l’Agence France-Presse (AFP). Dans ce contexte, le PNUD espère que l’intelligence artificielle (IA) pourra « relancer le développement ». Le rapport fait une place importante aux défis et risques des outils de l’IA, dévoilant un sondage réalisé auprès de 21 000 personnes disséminées à travers vingt et un pays, entre novembre 2024 et janvier 2025.

L’IA à la source d’inégalités à venir ?

Les résultats montrent qu’environ une personne sur cinq utilise déjà l’IA, et que deux tiers des personnes interrogées pensent l’utiliser dans l’année qui vient pour l’éducation, la santé et le travail. L’IA « va changer pratiquement tous les aspects de notre vie », note Achim Steiner, estimant que l’opportunité qu’elle représente pour le développement humain est désormais « une question de choix ».

« L’avenir est entre nos mains. En dessous du côté tape-à-l’œil des inventions se cachent des choix importants, par des individus ou des groupes, dont les conséquences se répercuteront à travers les générations », souligne le rapport. Si environ la moitié des personnes interrogées s’attendent à ce qu’au moins une partie de leur travail soit remplacée par l’IA, ils semblent aussi prêts à saisir cette opportunité : 60 % des sondés espèrent ainsi l’apparition d’emplois qui n’existent pas.

Le PNUD pointe cependant de grands risques quant à une démocratisation de l’intelligence artificielle. Par exemple une aggravation des inégalités d’accès entre pays riches et pauvres, et les « préjugés culturels » liés à des données partielles et aux pays où les outils sont développés et les chatbots entraînés.

Une récente étude de chercheurs de l’université d’Harvard citée par le rapport montre ainsi que les réponses de ChatGPT sont proches de celles d’un humain vivant dans un pays riche et anglophone, avec tous les problèmes structurels que cela implique. Mais « nous pouvons concevoir des solutions pour réduire ce risque », assure Achim Steiner, plaidant pour ne pas utiliser ce prétexte pour rejeter l’opportunité de l’IA, par exemple pour la recherche médicale.

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