« La situation des civils atteint chaque jour des niveaux de désespoir inédits » : comment deux des plus grandes agences humanitaires de l’ONU sont contraintes de sabrer leurs activités

Plus de 120 conflits font rage dans le monde. En première ligne, 123 millions de civils sont déplacés de force, selon le Comité international de la Croix-Rouge. Des victimes visibles des guerres et des persécutions, dans un contexte que Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a qualifié lundi 28 avril devant le Conseil de sécurité de l’ONU de véritable « crise humanitaire ». Alors que les besoins ne cessent de croître et que l’aide manque déjà cruellement, les financements, eux, s’effondrent.

Les États-Unis, mais aussi la majorité des pays donateurs, dont les membres de l’Union européenne, réduisent leur soutien. Dans ce contexte, le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) annoncent des coupes majeures dans leurs effectifs et leurs activités.

Le HCR pourrait réduire ses activités d’un tiers

Le HCR pourrait être forcé de diminuer jusqu’à 30 % de ses activités, a alerté Filippo Grandi. L’agence, qui emploie plus de 18 000 personnes dans 136 pays, dont 90 % sur le terrain, prévoit une réduction de ses programmes et de ses opérations. Et ce, alors que la situation humanitaire est déjà dramatique. « Du Soudan à l’Ukraine, du Sahel au Myanmar, de la République démocratique du Congo à Haïti, la violence est devenue la monnaie courante de notre époque. Bien que le HCR ne participe pas à la réponse des Nations Unies à Gaza, la situation des civils, que nous pensions immuable, atteint chaque jour des niveaux de désespoir inédits » a-t-il déploré.

Filippo Grandi évoque notamment le Soudan, où plus de 13 millions de personnes ont été déplacées depuis avril 2023, fuyant maladies, violences sexuelles et famine, tandis que le programme d’aide de l’agence n’est actuellement financé qu’à hauteur de 11 %. « Les réfugiés arrivent démunis et ne reçoivent qu’une fraction de ce qui est nécessaire en raison de la baisse des financements de l’aide », regrette l’humanitaire.

Le Programme alimentaire mondial n’est pas épargné. Dans un message interne, l’agence onusienne qui lutte contre la faim dans plus de 120 pays, a annoncé faire face à une réduction de 40 % de ses financements prévus pour 2025, tombant à 6,4 milliards de dollars. Soucieux d’une situation qui ne devrait pas aller en s’améliorant, Stephen Omollo, directeur exécutif adjoint de l’agence prévoit de réduire ses effectifs de 25 à 30 %. Un licenciement qui devrait concerner jusqu’à 6 000 de ses 23 000 employés. Une coupe sévère qui menace la distribution de l’aide alimentaire dans des régions aussi critiques que le Soudan ou Haïti.

Coupes dans l’aide internationale

Historiquement premier donateur, les États-Unis n’ont débloqué que 350 millions de dollars pour le HCR en 2025, loin des 2 milliards annuels des années précédentes. 700 millions supplémentaires sont gelés, illustrant la poursuite du désengagement initié sous l’administration Trump. Une réduction alarmante lorsque l’on sait que la contribution américaine représentait ces dernières années environ 40 % du budget.

L’USAID, bras humanitaire de Washington, a vu 83 % de ses programmes sabrés. Mais la baisse drastique de la contribution américaine dans l’aide humanitaire a éclipsé celles de la plupart des autres pays. L’Allemagne a réduit sa contribution au HCR de 332 millions en 2024 à 89,6 millions de dollars cette année, tandis que la France passe de 130 millions à seulement 250 249 dollars.

« L’aide, c’est la stabilité », a martelé le Haut-Commissaire. Or, aujourd’hui, l’aide s’effondre. La tendance est davantage au repli et à la « priorisation des intérêts nationaux », avec une augmentation des dépenses militaires. « Des préoccupations légitimes », estime Filippo Grandi, mais qui ne sont pas « incompatibles avec l’aide humanitaire », assène-t-il. À Gaza, au Soudan, au Sahel, les besoins humanitaires explosent, mais les agences sont forcées de faire « moins avec moins ». Un recul qui aggrave les crises humanitaires et menace la paix mondiale. Car abandonner les réfugiés, c’est aussi affaiblir les fondements mêmes d’un ordre international solidaire.

Être le journal de la paix, notre défi quotidien

Depuis Jaurès, la défense de la paix est dans notre ADN.

  • Qui informe encore aujourd’hui sur les actions des pacifistes pour le désarmement ?
  • Combien de médias rappellent que les combats de décolonisation ont encore cours, et qu’ils doivent être soutenus ?
  • Combien valorisent les solidarités internationales, et s’engagent sans ambiguïté aux côtés des exilés ?

Nos valeurs n’ont pas de frontières.

Aidez-nous à soutenir le droit à l’autodétermination et l’option de la paix.
Je veux en savoir plus !