« L’accès au téléphone doit être garanti » : la contrôleure générale des prisons critique la politique de Gérald Darmanin

Gérald Darmanin veut « nettoyer les prisons » des téléphones portables, isoler les « cent plus gros narcotrafiquants » dans une prison de haute sécurité et a rencontré, fin janvier 2025, son homologue d’extrême droite, le ministre de la Justice italien Carlo Nordio. Loin de son projet sécuritaire, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Dominique Simonnot, a retoqué le manque d’accès au téléphone fixe pour les détenus.

Dans un avis publié mercredi 19 février au Journal officiel – mais transmis le 3 décembre dernier au garde des Sceaux -, elle rappelle que « l’accès au téléphone (fixe) doit être garanti aux personnes détenues, à tout moment et quel que soit leur régime de détention ». Dominique Simonnot souligne ainsi que « l’ensemble des quartiers, y compris disciplinaires, doit être doté de la téléphonie en cellule et de points-phone accessibles dans des conditions et à des horaires compatibles avec les objectifs de maintien des liens familiaux, d’accès aux droits de la défense et de préparation à la sortie ».

« Ce progrès ne bénéficie pas à tous »

Une obligation loin d’être tenue au sein des institutions pénitentiaire. Depuis 2019, des téléphones fixes, dont l’usage est limité à certains numéros, sont censés avoir été installés dans chaque cellule, mais « ce progrès ne bénéficie néanmoins pas à tous », note la CGLPL dans son avis. Ainsi, « les détenus faisant l’objet d’une sanction disciplinaire ou affectés dans certains quartiers spécifiques n’ont qu’un accès limité au téléphone ». La contrôleure générale des prisons plaide enfin pour « rapprocher le coût des appels téléphoniques et de la visiophonie du prix moyen du marché accessible à la population libre ».

De même, la CGLPL souhaite également qu’une « réflexion » soit engagée « sur les possibilités d’un accès contrôlé à des téléphones mobiles en détention », à l’inverse de la politique répressive de Gérald Darmanin. Le garde des Sceaux avait, dans sa feuille de route présentée le 23 janvier, annoncé vouloir créer « une police pénitentiaire en 2026 ». Cette dernière aurait notamment pour but d’effectuer « des missions de sécurité et de contrôle » dans les prisons. Ces nouveaux agents pourraient par exemple fouiller les cellules à la recherche de téléphone portable.

« On va montrer que quand on est en prison et qu’on est un narcotrafiquant on ne peut pas téléphoner et on ne peut pas avoir une vie agréable », a ainsi lancé l’ex-ministre de l’Intérieur, lors d’un entretien sur LCI, le 12 janvier dernier. Près de 40 000 portables ont été saisis dans les prisons en 2024, selon le ministère de la Justice. « Il est peu réaliste, assurément, d’imaginer maintenir l’interdiction aux personnes détenues de l’usage, devenu si banal, du téléphone portable », rétorque ainsi la CGLPL.

« Sans doute le coût de communication le plus cher de France »

Interrogé sur France Inter, mercredi 19 février, Gérald Darmanin a admis – à demi-mot – que la contrôleure des prisons a « raison de dire que c’est un système délirant ». Le système actuel de téléphonie en détention est « très vieillissant » et « surtout il coûte 8 centimes quand on appelle sur un téléphone fixe, et 18 centimes quand on appelle sur un téléphone portable », a-t-il annoncé, soit « sans doute le coût de communication le plus cher de France ».

« Je vais écouter ses conclusions, mais ça ne peut pas être non plus un discours de défaite et d’accepter les téléphones portables partout, a-t-il lancé, estimant – sans donner plus de données sur le sujet – qu’une telle issue reviendrait à laisser des détenus commanditer « des assassinats » depuis leur cellule.

« C’est pour ça qu’on va discriminer les détenus, a enchaîné le garde des Sceaux, en reprenant ses obsessions autoritaires. Il y a ceux qui méritent d’être réinsérés très rapidement, et donc le régime pénitentiaire doit être différent, y compris dans la communication, et puis il y a ceux qui sont des gens très dangereux. On doit les priver absolument de toute communication extérieure. » Ou comment estimer que la contrôleure des prisons a « raison » et tort en même temps.

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