Cent narcotrafiquants dans « une prison de haute sécurité » : l’obsession de Darmanin, malgré la surpopulation carcérale
Il l’a annoncé en grande pompe lors d’un entretien diffusé en direct, dimanche 12 janvier, sur LCI. Assis face au présentateur Darius Rochebin, le nouveau garde des Sceaux, Gérald Darmanin, explique vouloir isoler les « cent plus gros narcotrafiquants », soupçonnés de poursuivre leur activité criminelle depuis leur cellule, dans une prison de haute sécurité. « On va montrer que quand on est en prison et qu’on est un narcotrafiquant on ne peut pas téléphoner et on ne peut pas avoir une vie agréable », a ainsi lancé l’ex-ministre de l’Intérieur. L’échéance d’une telle mesure ? L’été 2025.
Gérald Darmanin – qui affiche volontiers son duo prêt à « rétablir l’autorité » avec son successeur place Beauvau, Bruno Retailleau – a fait du narcotrafic sa cible principale depuis son investiture à place Vendôme, le 23 décembre dernier. L’ex-républicain souhaite « taper très fort » contre cette « menace de sécurité intérieure », répète-t-il à l’envie. « Il faut faire contre la drogue ce qu’on a fait contre le terrorisme et qui a fonctionné même s’il y a encore des attentats, a-t-il osé comparer. La France (avait) su se doter d’armes extrêmement fortes judiciaires, administratives contre le terrorisme. »
« On n’adapte pas la sécurité de la même manière »
Mais plus que « tout changer dans la lutte contre le trafic de stupéfiants », comme il le déclare, celui qui fut le locataire de place Beauvau de juillet 2020 à septembre 2024 semble surtout obsédé à l’idée que les détenus incarcérés pour trafic de drogue soient isolés du monde extérieur. Leurs supposées conditions de détentions avantageuses – alors que la France est régulièrement visée sur cette question – sont ainsi au centre de ses diatribes : « Aujourd’hui, on isole certains trafiquants parmi d’autres détenus et on voit bien que ça ne marche pas, ce système de mixité qui consiste à mettre des terroristes, des criminels, des gens qui ont écrasé avec leurs voitures, des gens qui ont tapé leurs femmes et on les met tous dans la même prison. »
Pour justifier son intention de déplacer cent détenus dans un seul établissement pénitentiaire, le garde des Sceaux affirme que l’ensemble de la population carcérale n’est pas forcément « de la même dangerosité », mais aussi que l’« on n’adapte pas la sécurité de la même manière » selon les profils. « Ce qui est insupportable », a-t-il estimé, c’est que les prisons « ne soient plus des entraves pour la plupart d’entre eux pour continuer leur trafic, ou assassiner, ou menacer des magistrats, des agents pénitentiaires, des journalistes ou des avocats ».
Avec son projet de « prison de haute sécurité » pour l’été 2025, Gérald Darmanin s’inscrit dans la culture répressive de ses prédécesseurs et met, une nouvelle fois, la pression sur une institution pénitentiaire fragile. « Nous allons prendre une prison française, on va la vider des personnes qui y sont et on y mettra, puisqu’on l’aura totalement isolée, totalement sécurisée, avec des agents pénitentiaires particulièrement formés, anonymisés », les « cent plus gros narcotrafiquants », a ainsi annoncé le garde des Sceaux. L’établissement pénitentiaire concerné n’a pas été annoncé, comme la faisabilité d’un tel plan. Tout juste a-t-il affirmé qu’il n’aurait « pas besoin de loi » pour transformer ses ambitions en réalité. « J’ai besoin de la volonté et on va en avoir, un petit peu d’argent et j’en aurai. »
Pas d’annonces particulières, en revanche, sur la surpopulation carcérale en cours dans l’Hexagone. Au 1er décembre 2024, 80 792 personnes étaient détenues en France, pour 62 404 places, selon des chiffres mis en ligne par le ministère de la justice, mardi 31 décembre. Un nouveau record qui devrait être encore battu dans les prochains mois, au vu du projet politique de Gérald Darmanin, prompt à afficher sa fermeté sur la question.
« Ces incarcérations massives sont le résultat d’une politique pénale qui privilégie les comparutions immédiates, avec un fort taux de déferrements, au détriment des procès criminels, qui interviennent dans des délais de plus en plus longs, regrettait pourtant Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature (SM), lors d’un entretien avec l’Humanité. Cette fuite en avant est une impasse au regard de la surpopulation galopante : si on continue au rythme de 5 000 détenus supplémentaires par an, dans cinq ans il y en aura 25 000 de plus. » Le gouvernement table toujours sur la construction de 15 000 nouvelles places de prison d’ici à 2027, tandis que le coût de construction d’une cellule varie entre 150 000 et 190 000 euros. En attendant, Gérald Darmanin semble déterminé à réaliser ses lubies.
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