Alimentation : Greenpeace appelle à l’interdiction de l’hexane, un solvant issu du pétrole

Le secteur de l’alimentation, aux mains de grands industriels, attire de nouveau l’attention pour des pratiques potentiellement dangereuses pour la santé. Un rapport dévoilé par Greenpeace France, lundi 22 septembre, demande l’interdiction dans l’industrie agroalimentaire de l’hexane, un solvant issu de la distillation du pétrole. Suspecté d’être néfaste, notamment pour la reproduction, l’hexane a pourtant été généralisé dans l’alimentaire dans la seconde moitié du XXᵉ siècle.

Le solvant est utilisé pour l’extraction des huiles végétales (soja, tournesol, etc.), comme pour la fabrication de la nourriture destinée aux animaux. Selon Greenpeace France, si « deux tiers des usines françaises » n’utilisent pas directement l’hexane, « près de 90 % des graines oléoprotéagineuses (de tournesol, de courge, de sésame, de lin, de colza, NDLR) sont transformées » dans des usines y ayant recours.

« Des alternatives existent »

Greenpeace relève que « l’intérêt majeur de ce solvant repose sur sa rentabilité puisqu’il permet d’extraire environ 97 % de l’huile de la graine » de colza ou de tournesol. Pourtant, affirme l’ONG, « des alternatives existent » comme la pression à froid, mais moins efficaces pour l’extraction.

C’est pourquoi Greenpeace demande l’interdiction de ce solvant dans l’industrie agroalimentaire et « appelle les pouvoirs publics français et européens à prendre leurs responsabilités et à agir immédiatement pour protéger la santé de la population ». Greenpeace a testé 56 produits alimentaires.

Selon ses résultats, obtenus à l’issue d’un an d’enquête et d’analyses en laboratoire, 36 d’entre eux contiennent des résidus d’hexane, des huiles (de 50 à 80 µg/kg) au beurre (de 20 à 60 µg/kg), en passant par plusieurs variétés de laits – y compris infantiles (de 20 à 50 µg/kg) -, ainsi que dans une variété de poulet (40 µg/kg).*

« Il n’y a aucune alerte sanitaire concernant l’hexane », a réagi Hubert Bocquelet, de la Fédération nationale des corps gras (FNCG), qui représente les industriels du secteur, auprès de l’Agence France-Presse. « Dire qu’il y a du pétrole dans les assiettes est complètement faux, estime-t-il. L’hexane est éliminé, il n’est plus présent dans les produits mis à la consommation si ce n’est sous forme de traces résiduelles. »

« Des réglementations obsolètes et peu contraignantes »

L’enquête réalisée par Greenpeace n’obéit pas aux critères des autorités sanitaires, tant du côté de la représentativité des produits choisis que d’une possible répétition des mesures sur ces derniers. La publication, le 18 septembre dernier, du livre d’investigation De l’essence dans nos assiettes. Enquête sur un secret bien huilé (éditions la Découverte), écrit par Guillaume Coudray, vient cependant appuyer ce travail de fond. Le journaliste y condamne un hydrocarbure massivement utilisé par pur appât du gain.

« Cet hydrocarbure est une substance neurotoxique avérée, suspectée d’être reprotoxique et un potentiel perturbateur endocrinien », appuie l’association spécialisée dans la défense de l’environnement. Les quantités relevées sont très inférieures aux seuils réglementaires (1 mg/kg, soit 1 000 µg/kg). Greenpeace dénonce néanmoins « des réglementations obsolètes et peu contraignantes, fondées sur des études datant de 1996 et fournies par les industriels eux-mêmes ».

Le groupe Avril pointé du doigt

La Commission européenne a d’ailleurs chargé, en mai dernier, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) de réévaluer « la sécurité de l’utilisation de l’hexane » dans l’agroalimentaire. En France, une mission parlementaire doit prochainement être lancée, a annoncé, jeudi 18 septembre, le député MoDem Richard Ramos. « Nous sommes à l’aube d’un scandale de santé publique de la plus haute gravité », déplorait-il déjà, fin octobre 2024, au moment de déposer un amendement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Le député réaffirme, en 2025, vouloir « informer, sensibiliser et préparer l’interdiction de ce solvant au profit de solutions respectueuses de la santé et de l’environnement ». La mission parlementaire pourrait néanmoins faire face au lobbying de l’industrie agroalimentaire. Greenpeace pointe par exemple du doigt, dans son rapport, le groupe Avril (Lesieur), géant français des huiles. Le géant contribue, selon l’ONG, « à maintenir l’usage de l’hexane grâce à son influence tentaculaire et à son omniprésence au sein des instances agricoles et politiques ».

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