C’est un habitué des scandales sanitaires. Il y a huit ans, le journaliste Guillaume Coudray faisait connaître au grand public la présence de nitrites dans la charcuterie et les risques de cancer associés dans son livre Cochonneries. Comment la charcuterie est devenue un poison.
Dans son nouvel ouvrage, De l’essence dans nos assiettes. Enquête sur un secret bien huilé, qui paraît ce 18 septembre (la Découverte), c’est à l’hexane qu’il s’attaque. Un hydrocarbure massivement utilisé dans l’industrie pour l’extraction d’huile.
Le recours à ce solvant permet une meilleure rentabilité, avec un rendement de « 99 % de l’huile contenue dans la graine », précise l’auteur, contre en moyenne 75 à 85 % pour la pression mécanique à froid.
Dans son enquête approfondie mais accessible, Guillaume Coudray détaille ce procédé industriel et en pointe le principal problème : quel que soit le traitement effectué, des résidus d’hexane demeurent. Et se retrouvent dans notre alimentation : outre l’huile, consommée telle quelle ou utilisée dans la composition d’aliments, les restes de graines sont aussi utilisés dans l’alimentation animale.
« Un poison légal »
Pourtant, difficile de chercher à acheter des produits qui n’en contiendraient pas, prévient le journaliste. Ce véritable « poison légal », alerte l’auteur, est considéré comme « auxiliaire technologique », présent uniquement à des quantités jugées minimes. Les fabricants ne sont donc pas tenus d’en informer les consommateurs dans la composition des produits.
Or, la toxicité de ce solvant est connue depuis cinquante ans, et de plus en plus d’études scientifiques viennent attester de son caractère reprotoxique et neurotoxique. « L’hexane et ses métabolites peuvent provoquer des dysfonctionnements graves et durables du système nerveux, même à des doses d’exposition faibles », écrit Guillaume Coudray, citant plusieurs études à l’appui. Les chercheurs disposeraient même « d’indications solides qui établissent des liens entre l’hexane et la maladie de Parkinson d’une part, et avec la sclérose en plaques d’autre part ».
Une réévaluation de l’utilisation de l’hexane au niveau européen
Une étude de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), publiée en septembre 2024, documentait la présence d’hexane sous forme de résidus dans de nombreux produits alimentaires.
Suite à ce rapport, la Commission européenne a demandé à l’Efsa de collecter des données en vue d’une réévaluation de son utilisation en juin dernier. Une enquête de Libération avait donné de la visibilité à ce scandale sanitaire, en octobre 2024.
Le député Modem Richard Ramos avait déposé un amendement dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, en octobre 2024. Il demandait l’instauration d’une taxe sur les producteurs d’hexane, comme Total ou Shell.
« Nous sommes à l’aube d’un scandale de santé publique de la plus haute gravité », avait-il déclaré dans son communiqué. Il a également déposé une proposition de loi visant à informer les consommateurs de la présence de ce solvant en mars 2025. L’enquête publiée par Guillaume Coudray devrait donner de la visibilité à cet enjeu de santé publique.
De l’essence dans nos assiettes, Guillaume Coudray, La Découverte, 304 pages, 20.5 euros.
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