REPORTAGE. "J'ai perdu trois ans de ma vie avec cette guerre" : sur le front, les soldats ukrainiens racontent leur lassitude
Après trois ans de guerre en Ukraine, les soldats mobilisés au plus près de la ligne de front ont l'impression de journées qui n'en finissent pas de se ressembler. franceinfo a rencontré des soldats dans la région de Pokrovs, dans le sud-est de l'Ukraine, où les combats sont les plus durs.
Dans une base arrière, bien organisée, Oleksandr, 35 ans, gère une unité de tireurs de mitrailleuses lourdes : "Je continue de répéter à mes gars que nous avons un marathon à courir. Parfois, c'est dur de trouver la force, mais on se dit que tant qu'on est là, les civils qui sont à l'arrière sont à peu près en sécurité."
"C'est un jour sans fin"
Des civils, justement, qui ne semblent plus tout à fait appartenir au même monde qu'eux : "Ma réalité, elle est ici. Ma famille, ma mère aussi qui est à 1 200 kilomètres d'ici, malheureusement, c'est comme une réalité parallèle." Trois années de guerre vécues au jour le jour, dit Oleksandr : "Chaque matin, c'est reparti. Vous savez, comme dans le film avec la marmotte. C'est un jour sans fin, une routine permanente." Un chat gris passe et repasse entre les jambes d'Oleksandr et ses camarades qui préféreraient être ailleurs.
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"Avant, nous étions tous des civils. Je n'aurais jamais tenu une arme entre les mains. Je n'aurais jamais fait de mal à mouche." Si la guerre s'arrête demain, dit Oleksandr, il n'y aura rien à fêter : "Parce qu'à la guerre, il n'y a jamais de vainqueur. C'est toujours une tragédie. Nous avons perdu tant de frères d'armes."
"Est-ce qu'on punira la Russie pour ce qu'elle fait ?"
Hartem, à côté de lui, glisse que "tout le monde ici est fatigué". Mais on n'a pas le choix, dit-il, "car nous sommes aussi l'avant-poste de l'Europe". Les derniers événements diplomatiques, ils ne suivent que d'un œil, Ils n'ont pas franchement de temps : "Arrêter la guerre, d'accord. Mais au-delà de la paix, est-ce qu'on punira la Russie pour ce qu'elle nous a fait ? Quand je rentre brièvement du front et que je vois à l'arrière ceux qui, pendant ce temps, font des enfants et développent leur business par exemple, je me dis que moi, j'ai déjà perdu trois ans de ma vie avec cette guerre."
Ce qu'ils pensent de Trump : "C'est un homme d'affaires, répond Alexandre. Donc il ne suit que ses propres intérêts." Le soldat ne lui fait pas confiance pour négocier la paix. "En tant qu'Ukrainien, dit-il, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes."