L’Europe face au défi existentiel du fléau Trump

On s’en doute : la guerre des « tariffs » lancée par Donald Trump, suspendu depuis mercredi pour 90 jours sauf pour la Chine, risque de faire mal. Les calculs délirants des mauvais génies de la Maison-Blanche sont autant de menaces sur l’emploi, le pouvoir d’achat, la viabilité d’un certain nombre de filières, tant agricoles qu’industrielles, et l’économie mondiale en général.

Cependant, l’unilatéralisme forcené du président américain génère de sérieuses contradictions, susceptibles de se retourner contre son auteur. Ainsi de l’effet boomerang de la politique de Trump dite des « droits de douane réciproques »les premiers touchés sont ses propres concitoyens – ou bien le fait que son offensive extravagante et pernicieuse vise quasiment tous les pays du monde, riches ou pauvres, en paix ou en guerre, alliés ou concurrents.

L’Union européenne (UE) serait bien inspirée de tirer de cet embrouillamini une double conclusion. Séance tenante, elle devrait entamer un dialogue approfondi et des coopérations actives avec toutes les forces de résistance au trumpisme, aux États-Unis même : États fédérés hostiles au pouvoir ; partisans de Bernie Sanders et des interlocuteurs démocrates prêts à s’engager ; dirigeants syndicaux refusant de céder à la démagogie populiste du milliardaire de Mar-a-Lago ; scientifiques en lutte pour l’indépendance de la recherche ; acteurs culturels piétinés par la dictature du fric ; défenseurs du climat ou simples patriotes effarés par l’abaissement que ce régime déshonorant fait subir à leur pays…

« Cette double ouverture constitue – vers les forces de résistance au trumpisme aux États-Unis et vers le « Sud global » – une composante majeure d’une « autonomie stratégique » constructive et pacifique de l’Europe. »

Et, dans le même temps, l’Europe devrait briser l’étroit carcan occidentaliste dans lequel elle n’a que trop tendance à s’enfermer, et s’ouvrir résolument au monde réel du XXIe siècle, et notamment ce qu’on appelle le « Sud global » ou le groupe de pays, d’une diversité croissante, qui coordonnent leurs objectifs communs au sein des « Brics+ ».

Cette double ouverture constitue, à mes yeux, une composante majeure d’une « autonomie stratégique » constructive et pacifique de l’Europe, « autonomie » ne signifiant pas isolement et « stratégique » ne s’identifiant pas au seul domaine militaire. Poussée par les circonstances – le basculement des relations transatlantiques — l’Union européenne ferait ainsi d’un mal un bien, en se libérant progressivement d’une relation étroite de dominant à dominés, et désormais sans foi ni loi, pour avancer vers des partenariats d’égal à égal, dans le respect des principes et des règles du multilatéralisme.

Dans cet esprit, il serait, en outre, logique, pour l’UE, d’avoir, à l’égard des États-Unis de Trump, recours, pour la première fois, à son « instrument anti-coercition » conçu, précisément, « pour lutter contre les menaces économiques et les restrictions commerciales injustes imposées par des pays tiers ». Toute une palette de mesures sont envisageables dans ce cadre, comme la limitation de l’accès aux marchés publics européens, qui représentent plus de 2 000 milliards d’euros par an.

En outre, afin de financer l’indispensable développement décarboné de notre économie et des services publics, c’est le moment de mettre à profit la capacité de la Banque centrale européenne de créer de la monnaie, non pour financer des dépenses d’armement comme il en est question (pour un montant de 1 000 milliards d’euros !), mais pour produire des richesses socialement, économiquement et écologiquement utiles. Les transformations de l’Europe, c’est maintenant.

Le journal des intelligences libres

« C’est par des informations étendues et exactes que nous voudrions donner à toutes les intelligences libres le moyen de comprendre et de juger elles-mêmes les événements du monde. »
Tel était « Notre but », comme l’écrivait Jean Jaurès dans le premier éditorial de l’Humanité.
120 ans plus tard, il n’a pas changé.
Grâce à vous.

Soutenez-nous ! Votre don sera défiscalisé : donner 5€ vous reviendra à 1.65€. Le prix d’un café.
Je veux en savoir plus !