Droits de douane : pourquoi les ménages populaires américains seront les premiers à en subir les conséquences
Aux analystes qui s’alarmaient d’une possible hausse du prix des voitures aux États-Unis, Donald Trump a répondu, avec son élégance coutumière, qu’il « s’en fichait complètement ». Pourtant, le président états-unien aurait tout intérêt à s’intéresser aux effets produits par sa politique de guerre commerciale, qui pourrait bien se retourner… contre une partie de ses propres électeurs.
Pour mémoire, Donald Trump a annoncé qu’il allait augmenter de 25 % les droits de douane s’appliquant à tous les véhicules vendus aux États-Unis et produits à l’étranger, mais il a aussi assuré que la hausse concernerait également les pièces détachées importées. De quoi semer une belle pagaille dans l’industrie automobile, qui a depuis longtemps dispersé aux quatre coins du monde sa chaîne de valeur.
La relocalisation
Le raisonnement économique (rudimentaire) de Donald Trump consiste à miser sur des relocalisations massives : pour tenter d’échapper aux tarifs douaniers, les constructeurs pourraient rapatrier massivement leur production aux États-Unis, en ouvrant des usines à tour de bras (pour ceux qui n’en disposent plus) ou en augmentant leurs capacités de production (pour ceux qui possèdent encore des installations sur place).
C’est oublier un peu vite que les constructeurs ne vont pas s’empresser d’injecter les centaines de millions de dollars nécessaires à l’ouverture d’une usine sans avoir de visibilité à moyen terme. « Pour rentabiliser un investissement de ce type, il faut compter entre six et huit ans, précise Vincent Vicard, économiste du Cepii. Cela correspond à la durée de vie moyenne d’un véhicule. Mais cela signifie que l’on dépasse l’horizon théorique du mandat de Donald Trump : est-ce que les constructeurs vont anticiper une poursuite de cette politique au-delà de cet horizon ? »
Aux États-Unis, certaines organisations de salariés se veulent pourtant (exagérément ?) optimistes, à l’instar de l’UAW – le puissant syndicat de l’automobile –, qui a tenu à saluer la hausse des tarifs annoncée par Donald Trump, au motif qu’elle marquerait une rupture avec le « désastre » des politiques libre-échangistes. « Grâce à ces droits de douane, des milliers d’emplois manuels bien rémunérés pourraient être recréés en quelques mois, simplement en ajoutant des équipes ou des lignes de production dans plusieurs usines sous-utilisées », écrit le syndicat. Reste à savoir si les constructeurs embrayeront dans ce sens.
La moitié des voitures vendues aux États-Unis sont produites à l’étranger.
Dans le même ordre d’idées, personne ne peut dire aujourd’hui si les majors de l’automobile répercuteront la totalité de la hausse des tarifs douaniers sur leurs prix de vente ou s’ils limiteront la casse pour les consommateurs en rognant leurs marges. Mais l’addition pourrait s’avérer salée pour les ménages. Les analystes cités par la presse américaine estiment que la flambée des droits de douane pourrait entraîner une hausse des prix de vente moyens comprise entre 3 000 et 6 000 dollars par véhicule.
Il faut dire que la moitié des voitures vendues aux États-Unis sont produites à l’étranger. C’est particulièrement vrai pour les modèles les plus populaires. Dans une enquête réalisée par Reuters, on apprend que seulement 16 modèles s’achètent à moins de 30 000 dollars pièce (27 000 euros) – le prix moyen des voitures neuves dans le pays tourne plutôt autour de 50 000 dollars (46 000 euros).
Et parmi eux, seul un modèle, la Toyota Corolla, est assemblé aux États-Unis. Les quinze autres sont fabriqués au Mexique, en Corée du Sud ou au Japon. Autrement dit, ce sont bien les classes populaires qui risquent de payer plein pot en cas de hausse des tarifs douaniers, celles-là mêmes que le président états-unien prétend défendre.
C’est particulièrement vrai pour les acheteurs de pick-up, ces véhicules iconiques de l’Amérique profonde : environ un tiers des 3 millions écoulés chaque année aux États-Unis sont entièrement fabriqués au Canada et au Mexique. De quoi provoquer un possible problème politique à Donald Trump, puisque, selon une étude citée par Reuters, les conducteurs de ces véhicules sont deux fois plus susceptibles de se déclarer républicains que démocrates.
À l’autre bout du spectre, les Tesla de son ami Elon Musk seraient bien moins concernées par l’activisme douanier du locataire de la Maison-Blanche, puisque intégralement assemblées aux États-Unis. Cela dit, cela ne signifie pas qu’elles seraient totalement épargnées : selon des statistiques citées par The New York Times, environ 30 % des composants d’une Tesla Model Y proviennent de l’étranger, principalement du Mexique. C’est bien la preuve qu’il n’existe pas de voiture à « 100 % » américaine, mondialisation des processus de fabrication oblige.
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