Mayotte, sous couvre-feu, panse ses plaies après le passage du cyclone Chido

Mayotte sortait juste mercredi 18 décembre au matin d'une première nuit sous couvre-feu, mis en place pour assurer la sécurité et éviter les pillages après le passage meurtrier du cyclone Chido dans l'archipel, où Emmanuel Macron est attendu jeudi.

Le chef de l'État, qui avait fait savoir lundi qu'il se rendrait dans les prochains jours sur place, "sera jeudi à Mayotte", a annoncé l'Élysée mardi soir.

Le nouveau Premier ministre François Bayrou, sous le feu des critiques pour avoir privilégié le conseil municipal de Pau lundi en pleine crise mahoraise, lui emboîtera le pas dès que "(s)on gouvernement sera formé", afin de "mobiliser la totalité des moyens de l'État", a-t-il dit sur France 2.

La situation reste très difficile dans l'archipel, où selon un bilan toujours très provisoire le passage du cyclone Chido a fait 22 morts et 1 373 blessés, selon des chiffres communiqués par le ministère de l'Intérieur.

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"Je n'ai jamais vu sur le sol national une catastrophe de cette ampleur. Je pense aux enfants qui ont vu leur maison soufflée, dont les écoles ont été quasiment toutes détruites et dont les parents sont follement angoissés", s'est exprimé François Bayrou toujours sur France 2.

Les autorités redoutent "plusieurs centaines" de morts, peut-être même "quelques milliers" dans le département le plus pauvre de France.

Le décompte est d'autant plus compliqué que Mayotte est une terre de forte tradition musulmane et que, selon les rites de l'islam, les défunts doivent être enterrés au plus vite.

"70 % des habitants ont été gravement touchés", a souligné Bruno Retailleau, ministre démissionnaire de l'Intérieur, annonçant l'arrivée "dans les prochains jours" de 400 gendarmes supplémentaires pour prêter main forte aux 1 600 gendarmes et policiers présents sur l'archipel.

Un décor apocalyptique

Le cyclone Chido, le plus intense qu'ait connu Mayotte depuis 90 ans, a ravagé samedi le territoire de l'océan Indien, où environ un tiers de la population vit dans de l'habitat précaire, totalement détruit.

Les cyclones se développent habituellement dans l'océan Indien de novembre à mars, mais cette année, les eaux de surface étaient proches de 30° C dans la zone, ce qui fournit plus d'énergie aux tempêtes, un phénomène lié au réchauffement climatique observé également cet automne dans l'Atlantique Nord et dans le Pacifique.

Il a également tué au Mozambique au moins 34 personnes, fait plus de 300 blessés et détruit plus de 20 000 maisons, a annoncé mardi l'Institut national de gestion des risques et désastres.

Arbres arrachés, débris jonchant à perte de vue les collines, bateaux entassés : sur Petite-Terre, le décor est apocalyptique plus de trois jours après le passage du cyclone.

"C'était comme un rouleau compresseur qui a tout écrasé", décrit Nasrine, une enseignante mahoraise qui ne donne pas son nom, en faisant visiter le quartier informel de La Vigie, dans la commune de Pamandzi, rasé.

"Tout le monde se rue sur les magasins pour de l'eau. C'est la pénurie générale", témoigne Ali Ahmidi Youssouf, un Comorien de 39 ans qui marche sur la route avec quelques bouteilles à la main.

Pour éviter ces pillages et assurer la sécurité des habitants, un couvre-feu a été instauré pour l'ensemble de l'archipel à partir de mardi soir, de 22 heures à 4 heures du matin.

La solidarité s'organise

Quelque 120 tonnes de nourriture doivent être distribuées mercredi sur les deux îles mahoraises, selon les autorités.

Sur l'archipel, premier désert médical de France, l'unique hôpital, très endommagé, a retrouvé "quelque 50 %" de son activité, a indiqué François Bayrou lors de la séance de questions au gouvernement mardi, et sera soutenu par un hôpital de campagne dès jeudi.

Côté militaire, un avion de transport A400M fait la navette La Réunion-Mayotte pour d'éventuelles évacuations de personnes fragiles et un second A400M assure une liaison directe métropole-Mayotte, a-t-on appris auprès de l'état-major des armées.

Le bâtiment de soutien et d'assistance outre-mer (BSAOM) Champlain, qui a appareillé de La Réunion, doit arriver jeudi matin à Mayotte avec 180 tonnes de fret à bord, selon la même source.

Autre priorité des autorités, l'envoi de tentes et de bâches pour rétablir des habitats, totalement détruits ou dont la toiture a été arrachée par des rafales de vent qui ont atteint plus de 220 km/h.

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Dans l'urgence de retrouver un toit, beaucoup d'habitants ont déjà commencé à déblayer et reconstruire sans attendre l'aide.

À Mamoudzou, la capitale, où les secours s'attendent à trouver de nombreuses victimes dans les décombres des bidonvilles, très peuplés, la mairie a appelé lundi ses habitants majeurs et en "bonne condition physique" à "renforcer les équipes sur le terrain".

Les appels à la solidarité se sont multipliés en France et à l'étranger. "Nous allons lancer un appel à projets pour qu'architectes, étudiants en architecture, grandes entreprises proposent des modèles immédiatement montables", a annoncé le Premier ministre.

"Pour apporter à Mayotte et à ses habitants une assistance rapide et à la hauteur des enjeux humanitaires et sanitaires, les dons et versements effectués à compter du 17 décembre 2024 et jusqu'au 17 mai 2025, ouvriront droit au taux majoré de 75 %, dans la limite de 1000 euros", ont indiqué les services du Premier ministre dans un communiqué.

Avec AFP