Commission d’enquête sur les eaux minérales : la présidence de la République « savait que Nestlé trichait depuis plusieurs années »

La commission d’enquête sénatoriale sur les eaux en bouteille devait auditionner mardi 8 avril le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler, démissionnaire, mais celui-ci a décliné en invoquant un motif de « séparation des pouvoirs ». En réponse, l’audition a été remplacée par une brève présentation de « 74 pages de documents » transmis par l’Élysée, démontrant selon le rapporteur la « densité » des échanges entre Nestlé et la présidence.

« La présidence de la République était loin d’être une forteresse inexpugnable à l’égard du lobbying de Nestlé. Au contraire, les contacts sont fréquents et l’Élysée ouvre les portes de certains ministères au groupe suisse. La présidence de la République savait, au moins depuis 2022, que Nestlé trichait depuis plusieurs années », a déclaré Alexandre Ouizille, sénateur socialiste et rapporteur de la commission d’enquête.

Le rapport bientôt dévoilé au public

« Elle avait conscience que cela créait une distorsion de concurrence avec les autres minéraliers. Elle avait connaissance des contaminations bactériologiques voire virologiques sur certains forages », a assené le sénateur PS en citant certains passages de notes internes. Les échanges et rencontres entre Nestlé et l’Élysée vont de 2022 à fin 2024.

En quatre mois, la commission a auditionné près de 100 personnes, dont trois ministres et anciens ministres, pour essayer d’« établir une véritable transparence sur un dossier qui n’a cessé de faire l’objet de dissimulations au public, à certaines administrations, voire à la représentation nationale », a déclaré mardi son président Laurent Burgoa (LR).

Nestlé Waters a toujours défendu la « sécurité alimentaire » de ses produits et sa démarche de transparence auprès des autorités, niant toute pression sur les décideurs et demandant une « clarification » de la réglementation sur la microfiltration. Sollicité mardi 8 avril par l’Agence France Presse, le groupe n’a pas souhaité réagir davantage.

« Le 10 octobre 2024, alors que la proposition de commission d’enquête au Sénat existe déjà, le secrétaire général de l’Élysée reçoit le nouveau directeur général de Nestlé, Laurent Freixe (qui sera auditionné mercredi, N.D.L.R.), accompagné de Muriel Lienau, présidente de Nestlé Waters », a poursuivi Alexandre Ouizille, annonçant la prochaine mise à disposition du public de l’intégralité des documents transmis par l’Élysée à la commission, une première.

« Le 14 octobre 2024, Nicolas Bouvier, lobbyiste de Nestlé Waters, relance le secrétariat de M. Kohler, celui-ci ayant indiqué à Laurent Freixe lors de leur entretien qu’il fournirait les bons contacts à solliciter au sein des ministères », a-t-il ajouté. Au vu des documents, le refus de se présenter d’Alexis Kohler est « incompréhensible », selon le sénateur socialiste.

Selon une ordonnance du 17 novembre 1958, toute personne qui ne comparaît pas ou refuse de déposer devant une telle commission est passible de deux ans d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. Face au peu de chance qu’une procédure judiciaire aboutisse, la commission proposera dans son rapport, prévu mi-mai, « une modernisation de l’ordonnance pour que les pouvoirs du Parlement soient respectés », selon le rapporteur.

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