Scandale des eaux en bouteille : les sénateurs soupçonnent un « parjure » du groupe Nestlé Waters en commission d’enquête
Les sénateurs attendaient cette rencontre avec impatience. Muriel Lienau, actuelle PDG du groupe Nestlé, était invitée à s’expliquer dans le cadre de la commission d’enquête sur le scandale des eaux en bouteille, mercredi 19 mars. Une audition de près de deux heures face à une PDG qui répond de manière floue, quand elle n’élude pas tout simplement la question. Son refus de répondre lui vaut une saisie de la présidence du Sénat pour « parjure » qui l’expose à des poursuites pénales.
La veille, l’ex-PDG du groupe, Sophie Dubois, invitée à répondre aux questions des sénateurs, entretient elle aussi l’omerta. Depuis décembre, la commission a auditionné une soixantaine d’acteurs pour faire la lumière sur les pratiques de Nestlé et les manquements des autorités à les contrôler, voire sur l’implication de l’État dans le camouflage du scandale. Au cœur des débats : l’usage illégal de traitements aux ultraviolets et aux filtres à charbon sur certaines eaux (Perrier, Vittel, Hépar, Contrex), justifié par le groupe au nom de la « sécurité alimentaire ».
Une « culture de l’opacité la plus absolue »
Après avoir assuré ne pas connaître la raison de l’utilisation des filtres illégaux avant son arrivée en 1991 et sa prise de poste en tant que responsable de Nestlé Waters pour la région Europe en janvier 2020, Muriel Lienau défend qu’aucun règlement « autorisant ni interdisant une technologie de microfiltration particulière » n’existe actuellement. Le groupe avait par ailleurs appelé, via un communiqué de presse publié le 7 février dernier, à « un débat scientifique sur les technologies de microfiltration des eaux minérales naturelles ».
La PDG du groupe refuse catégoriquement de donner les noms des personnes qui l’ont informée de traitements illégaux après sa prise de poste. « C’est une situation héritée du passé, dont je ne connais pas l’origine », a-t-elle rétorqué, ajoutant faire le choix de « ne pas chercher de responsabilités individuelles » et se « concentrer sur l’avenir ».
Le mutisme de Muriel Lienau laisse très rapidement les sénateurs pantois. Alexandre Ouizille, sénateur socialiste et rapporteur de la commission d’enquête, fustige au micro de Public Sénat une « culture de l’opacité la plus absolue » chez Nestlé Waters, allant même jusqu’à suspecter un accord passé entre les membres du groupe : « C’est quoi le prix pour être un fusible ? Comment on accepte d’endosser ce rôle, d’être celle qui va faire l’omerta sur tout le reste ? ».
Risque de parjure pour le groupe Nestlé Waters
Peu importe le bord politique des élus présent dans la salle, le comportement de la PDG agace profondément. Le sénateur Les Républicains Laurent Burgoa, qui préside la commission d’enquête, estime que ce mutisme du groupe peut signifier que ce dernier aurait « d’autres choses à cacher, qui n’auraient pas été révélées ». Même réaction chez Antoinette Guhl, sénatrice écologiste, qui juge « très irrespectueux » le fait de « tourner en rond autour d’éléments de langage qui ont été pré-écrits par vos avocats ».
Son choix de ne pas répondre à certaines questions pourrait avoir de lourdes conséquences. Laurent Burgoa a averti Muriel Lienau que « tout mensonge, y compris par omission » , était « constitutif d’un parjure sanctionné pénalement ». Une sanction qui s’élève à 75 000 euros d’amende et jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. L’avertissement ne l’effraie pas pour autant : sur le conseil de ses avocats, la PDG du groupe a assuré vouloir garder le silence.
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