Journalistes tués à Gaza : Reporters sans frontières dénonce un "maquillage grossier pour essayer d'éliminer des journalistes qui dérangent"

Alors que six journalistes sont morts dans la nuit de dimanche 10 août à lundi 11 août à Gaza, tués dans un bombardement israélien, Thibaut Bruttin, directeur général de Reporters sans frontières (RSF), dénonce lundi sur franceinfo un "maquillage grossier pour essayer d'éliminer des journalistes qui dérangent".

Selon lui, "on est face à des forces armées israéliennes qui ne se cachent pas, qui ne disent pas qu'il y a eu une bavure ou une erreur. Ce sont des assassinats ciblés de journalistes pourtant identifiés, pourtant identifiables, avec une tente presse, pourtant connus et reconnus dans la profession", accuse-t-il.

"Malgré les déclarations de Benyamin Nétanyahou qui voulait davantage de couverture presse, voilà que la quasi-totalité de l'équipe d'Al-Jazeera a été éliminée."

Thibaut Bruttin, directeur général de RSF

sur franceinfo

Il estime que les accusations proférées par l'armée israélienne à l'encontre d'Anas al-Sharif permettent "de délégitimer les journalistes palestiniens auprès de l'opinion publique internationale, elles donnent une sorte de permis de tuer à l'armée israélienne. Cette dernière nous a, à plusieurs reprises, communiqué des soi-disant preuves, complètement fabriquées ou invérifiables".

Anas al-Sharif "était depuis le début du conflit une des figures montantes d'Al-Jazeera. Il a fait preuve d'une résilience, d'un courage, d'une énergie hors-normes qui ont permis de gagner les faveurs des téléspectateurs. Je veux bien entendre toutes les accusations les plus scandaleuses et les plus grossières, mais l'énergie et le temps qu'a passé Anas al-Sharif à ce métier font l'honneur de la profession".

Les journalistes sont des civils

Thibaut Bruttin rappelle que "les journalistes sont des civils et les civils doivent être protégés dans le cadre des conflits armés, il existe un grand nombre de résolutions de l'ONU à ce sujet. Ils ne devraient pas être ciblés."

"Ils ont par ailleurs à vivre leur vie de citoyens gazaouis, avec ce que cela implique de queue pour l'eau, pour la nourriture, des angoisses sur la protection de ses proches. Malgré tout, ces journalistes palestiniens continuent leur travail. Il y a là quelque chose d'admirable : bien sûr, ils ont peur des frappes ciblées israéliennes, il y a des difficultés techniques pour accéder à Internet… Et en plus ils sont sous la menace du Hamas", avance-t-il.

"Les populations civiles se tiennent de plus en plus écartées des journalistes parce qu'elles ont peur d'attirer un missile israélien."

Thibaut Bruttin, directeur général de RSF

sur franceinfo

Au total, "plus de 200 journalistes" ont été tués depuis le début du conflit à Gaza, "dont une cinquantaine dans l'exercice de leurs fonctions", affirme-t-il. "C'est sans précédent en termes de volume", alerte le directeur général de RSF. "Il faudra que justice soit rendue, dit-il. Chaque journaliste tué aujourd'hui, s'il n'y a pas d'enquête, c'est une forme d'encouragement, une sorte de spirale de la violence", conclut Thibaut Bruttin.