Dissolution des factions armées, vestiges du régime Assad, attaques d’Israël et de la Turquie… La Syrie face au défi de la stabilité

Pour les premiers concernés, à savoir le peuple syrien, la situation « ne peut pas être pire qu’avant ». Le régime autoritaire tombé le 8 décembre dernier, son leader – Bachar al-Assad – réfugié en Russie, un nouveau pouvoir politique qui tente de rassurer la communauté internationale… la Syrie entre dans une période floue, malgré la joie d’en avoir fini avec la dictature.

De nombreux défis attendent dorénavant le pays, scruté tant par ses pays voisins que par les Nations unies (ONU). Parmi les premiers : la dissolution des factions armées. Mourhaf Abou Qasra, connu sous son nom de guerre d’Abou Hassan al-Hamwi, chef militaire du groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC) – qui mène la coalition ayant pris le pouvoir -, a ainsi annoncé, mardi 17 décembre, que « la prochaine étape » serait leur dissolution, à commencer par la sienne, pour les fondre au sein de la future institution militaire. « Dans tout État, il faut que les unités militaires soient intégrées », a-t-il affirmé. Son groupe est, affirme-t-il, prêt à montrer l’exemple en étant « le premier à prendre l’initiative » de se dissoudre, « dans l’intérêt général du pays » et aussi dans l’espoir d’obtenir la radiation de son groupe de la liste des organisations considérées comme terroristes par les Etats-Unis et certains pays d’Europe.

« La Syrie ne sera pas divisée »

Mourhaf Abou Qasra en a profité pour rappeler la volonté d’HTC d’étendre son autorité sur les zones kurdes du nord-est de la Syrie, contrôlées par une administration semi-autonome. « Le peuple kurde est une des composantes du peuple syrien, a-t-il rappelé. Le problème est avec la direction des Forces démocratiques syriennes. La Syrie ne sera pas divisée et il n’y aura pas d’entités fédérales. »

Les Kurdes syriens – qui ont déjà réalisé plusieurs gestes d’ouverture envers le nouveau pouvoir en place à Damas – sont la principale composante des Forces démocratiques syriennes (FDS), soutenues par les États-Unis et qui ont été le fer de lance de la lutte contre le groupe jihadiste État islamique (EI). La région aujourd’hui contrôlée par les FDS devrait ainsi être « intégrée à la nouvelle administration du pays », selon Mourhaf Abou Qasra.

Le sort accordé à cette région du nord-est de la Syrie, et plus largement à la communauté kurde, est primordial. La Turquie de Recep Tayyip Erdogan n’a par exemple pas hésité à soutenir matériellement l’Armée nationale syrienne dans son offensive contre la ville multi-ethnique et de 100 000 habitants, Manbij, tenue par des combattants kurdes depuis 2016, à partir du 7 décembre dernier.

Un fragile cessez-le-feu a été négocié, mardi 10 décembre, sous l’égide des militaires états-uniens de la coalition internationale stationnée en Syrie, contraignant les FDS à abandonner la ville. La situation reste instable. Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, s’est notamment dit « gravement préoccupé » par l’arrivée à expiration de ce cessez-le-feu, avant que Washington n’en annonce la prolongation « jusqu’à la fin de la semaine ».

Israël multiplie ses attaques sur le territoire syrien

La Turquie n’est cependant pas la seule puissance de la région à vouloir profiter de l’instabilité en Syrie pour avancer ses pions. Israël multiplie ainsi les attaques sur le territoire syrien. « Nous estimons que les frappes israéliennes sur les sites militaires et l’incursion qui s’est produite dans le sud de la Syrie sont injustes, fulmine Mourhaf Abou Qasra. La Syrie ne constituera pas une base (…) pour des problèmes régionaux ou internationaux. » Ce dernier a par ailleurs appelé la communauté internationale à intervenir pour mettre fin aux velléités de l’armée israélienne et « trouver une solution à cette question ».

Depuis la chute d’Assad, Israël a mené des centaines de frappes sur le territoire syrien ciblant des sites militaires, affirmant vouloir éviter que l’arsenal du précédent pouvoir ne tombe entre les mains des nouvelles autorités. L’armée israélienne a en outre pris le contrôle de la zone tampon surveillée par les Nations unies, située à la lisière de la partie du Golan syrien occupée et annexée par Israël. Son premier ministre, Benyamin Netanyahou, a par la suite tenu, mardi 17 décembre, une réunion sécuritaire au sommet du mont Hermon (aux confins de la partie du Golan occupée). Sa vice-ministre des Affaires étrangères, Sharren Haskel, a quant à elle qualifié le chef d’HTC, Ahmad al-Chareh, de « loup déguisé en agneau ».

La quête de stabilité se poursuit donc par le nouveau pouvoir en place, alors que le peuple syrien aspire à la paix. Une nouvelle ère qui leur permettra, ainsi qu’à la communauté internationale, de prendre pleinement conscience de l’étendue des dégâts causés par le régime dirigé d’une main de fer par Bachar Al Assad.

« Sans efforts immédiats de la Syrie et de la communauté internationale pour sécuriser et préserver les sites probables de crimes de masse en vue d’exhumations et d’enquêtes médico-légales coordonnées, il existe un risque sérieux que des preuves requises pour la reddition de comptes soient perdues, a ainsi déclaré Hiba Zayadin, chercheuse de l’ONG Human Rights Watch (HRW), dans un communiqué. Les proches des personnes si brutalement tuées ici méritent de savoir ce qui leur est arrivé. Les victimes méritent que des comptes soient rendus. »

Partie enquêter sur le site dans le quartier de Tadamon, au sud de Damas, les 11 et 12 décembre, une équipe de chercheurs a découvert des « dizaines de restes humains sur le lieu d’un massacre perpétré en avril 2013 et éparpillés aux alentours ». HRW s’est, pour confirmer l’existence dans cette fosse commune, appuyé sur la géolocalisation d’une vidéo réalisée lors du massacre, il y a plus de dix ans. « Les chercheurs ont retracé les derniers instants des onze victimes aux yeux bandés montrées dans la vidéo, qui ont toutes été abattues à bout portant et poussées dans la fosse creusée à la machine, aux côtés des corps de treize autres personnes », résume le communiqué. L’ombre de Bachar Al Assad n’est donc pas près de se tarir.

Être le journal de la paix, notre défi quotidien

Depuis Jaurès, la défense de la paix est dans notre ADN.

  • Qui informe encore aujourd’hui sur les actions des pacifistes pour le désarmement ?
  • Combien de médias rappellent que les combats de décolonisation ont encore cours, et qu’ils doivent être soutenus ?
  • Combien valorisent les solidarités internationales, et s’engagent sans ambiguïté aux côtés des exilés ?

Nos valeurs n’ont pas de frontières.

Aidez-nous à soutenir le droit à l’autodétermination et l’option de la paix.
Je veux en savoir plus !