« Aucun de nous n’a le souvenir d’avoir vu un collaborateur mourir de faim » : l’AFP dénonce le sort de ses journalistes gazaouis
« Sans intervention immédiate, les derniers reporters de Gaza vont mourir. » Cette alerte est celle de Société des journalistes de l’Agence France-Presse qui travaille avec « une pigiste texte, trois photographes et six pigistes vidéo » dans l’enclave palestinienne soumise aux bombardements d’Israël et à un blocus de l’aide humanitaire à peine allégé par le gouvernement de Benyamin Netanyahou. « Depuis que l’AFP a été fondée en août 1944, nous avons perdu des journalistes dans des conflits, nous avons eu des blessés et des prisonniers dans nos rangs, mais aucun de nous n’a le souvenir d’avoir vu un collaborateur mourir de faim », écrivent les journalistes dans un communiqué publié lundi 21 juillet. Plus de 200 journalistes ont déjà été tués à Gaza.
Les signataires du texte y rapportent le témoignage de « Bachar, 30 ans, (qui) travaille et vit dans des conditions égales à celles de tous les Gazaouis » : « Samedi 19 juillet, il est parvenu à poster un message sur Facebook : ”Je n’ai plus la force de travailler pour les médias. Mon corps est maigre et je ne peux plus travailler”. » Ou encore celui de Ahlam qui « survit dans le sud de l’enclave » : elle « tient à “témoigner”, le plus longtemps possible. ”À chaque fois que je quitte la tente pour couvrir un événement, réaliser une interview ou documenter un fait, je ne sais pas si je reviendrai vivante”. Le plus gros problème, confirme-t-elle, c’est le manque de nourriture et d’eau ».
« Leur courage ne les aidera pas à survivre »
« Depuis des mois, nous assistons, impuissants, à la détérioration dramatique de leurs conditions de vie. Leur situation est aujourd’hui intenable, malgré un courage, un engagement professionnel et une résilience exemplaires », confirme un communiqué de l’Agence, également publié lundi.
L’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), dont l’intervention essentielle dans les territoires palestiniens a été interdite par le gouvernement israélien, a aussi fait état lundi de « messages désespérés faisant état de famine » reçus de certains de ses employés dans la bande de Gaza. « Levez le siège et laissez l’aide humanitaire entrer en toute sécurité et à grande échelle », a lancé l’agence de l’ONU alors que seule la Fondation humanitaire pour Gaza est autorisée, depuis l’assouplissement très partiel fin mai du blocus total de l’aide imposé en mars, à organiser des distributions. Des Palestiniens y sont en outre régulièrement tués. Dans un message publié sur X, l’Unrwa précise également que les pénuries à Gaza ont entraîné une multiplication par 40 des prix des denrées alimentaires.
De son côté la SDJ de l’Agence France-Presse assure que « même si les journalistes reçoivent un salaire mensuel de l’AFP, il n’y a rien à acheter ou alors à des prix totalement exorbitants. Le système bancaire a disparu, et ceux qui pratiquent le change entre les comptes bancaires en ligne et l’argent liquide prennent une commission de près de 40 % ».
« Depuis quelques jours, nous avons compris de leurs brefs messages que leur vie ne tenait plus à grand-chose et que leur courage, consacré depuis de long mois à informer le monde entier, ne les aidera pas à survivre », ajoute le communique, citant Bachar qui en appelle à Emmanuel Macron pour « sortir de cet enfer ».
La France demande que « la presse libre et indépendante puisse accéder à Gaza pour montrer » ce qu’il s’y passe, a réagi mardi 22 juillet le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, sur France Inter. « Nous avons l’espoir de pouvoir faire sortir quelques collaborateurs de journalistes dans les prochaines semaines », a ajouté le chef de la diplomatie française, interrogé sur la situation des pigistes de l’AFP, condamnant également « avec la plus grande fermeté » la « déplorable » extension de l’offensive israélienne à Gaza lancée lundi, « qui va aggraver une situation déjà catastrophique ».
La veille, la France, aux côtés de 24 autres pays, avait à nouveau appelé à mettre fin « immédiatement » à « ce terrible conflit ». Les actes, eux, à commencer par la mise en place de sanctions contre Israël, font toujours défaut.
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