Négociation de paix en Ukraine : "Donald Trump veut des conquêtes territoriales", pour Sandrine Rousseau, députée écologiste
Le président américain Donald Trump et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky ont mené des négociations à Washington, lundi 18 août. Donald Trump a déclaré vouloir s’"impliquer" dans les garanties de sécurité, à l’issue du sommet à la Maison Blanche. Sandrine Rousseau, députée Les Écologistes, est l’invitée de franceinfo mardi 19 août pour évoquer ce sujet, ainsi que celui du budget 2026.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Antoine Comte : Donald Trump confirme, et les Européens aussi qui étaient présents, qu'il y aura une rencontre face à face entre Vladimir Poutine, le président russe, et son homologue ukrainien, sous 15 jours à peu près. Est-ce que vous considérez que c'est une avancée, que les deux hommes doivent se rencontrer, et que peut-être enfin la paix pourrait être signée dans ce contexte-là ?
Sandrine Rousseau : Les deux hommes doivent se rencontrer. Après, ce qui est en train de se passer, c'est vraiment un partage des ressources de l'Ukraine. Il ne faut pas se leurrer sur la réalité. Pour la première fois, Trump laisse un peu une ouverture pour que l'Ukraine ait son mot à dire dans le processus de paix. Moi, ce qui me fascine dans cette affaire, c'est que l'Ukraine est une zone de ressources naturelles énormes. Il y a du graphite, du lithium, du manganèse... et c'est ça qui est sur la table actuellement. C'est pour ça que la Russie prend des territoires à l'Ukraine. Mais surtout, ce qui me fascine, c'est à quel point le caractère d'un homme, c'est-à-dire Trump, selon son humeur, selon qu'on le flatte ou selon qu'on le fâche, détermine l'avenir d'une partie du monde.
Il ne souhaite pas la paix, Donald Trump, pour vous ?
Donald Trump veut des conquêtes territoriales. Lui, c'est quelqu'un qui n'a aucune espèce d'état d'âme vis-à-vis de l'Ukraine ou de ses habitants. Ce qu'il veut, c'est des ressources. Ce qu'il veut, c'est un deal avec Poutine sur les ressources qu'il y a en Ukraine et en Alaska. D'ailleurs, au Groenland, ils ont déjà fait le partage d'un accord commercial sur les ressources en janvier. Donc en fait, il y a vraiment cette volonté pour Trump de continuer et d'être dans une prédation, d'être dans une conquête territoriale de ressources.
Pour vous, hier, il n'y a pas eu d'avancée ? Le fait que les deux hommes, Poutine et Zelensky, se rencontrent, et peut-être qu'on est après une réunion à trois avec Trump, voire les Européens, n'est pas une avancée pour vous ?
C'est une avancée dans un contexte de prédation territoriale, dans un contexte de capitalisme prédateur, dans un contexte qui est prêt à faire la guerre pour avoir des ressources. En fait, c'est ça le sujet. Et vraiment, la question qui nous est posée à nous, Européens, c'est : participe-t-on à cela ? Ou assure-t-on à l'Ukraine un espace démocratique d'autodétermination et d'entrée dans l'Union européenne ? Et si nous allons dans cette voie-là, alors il nous faut nous passer du gaz russe, il nous faut mettre des sanctions supplémentaires, passer un cap dans les sanctions vis-à-vis de la Russie. Il n'y a que comme ça que Poutine comprendra que le rapport de force. Poutine est un homme du rapport de force. Et où est notre rapport de force ?
La France et l'Europe doivent "imposer un rapport de force" à Poutine
Donald Trump et les Européens ont quand même dit qu'il serait impliqué dans les garanties de sécurité de l'Ukraine.
Il y a des points positifs dans cette rencontre. Il y a le fait que Donald Trump ait arrêté d'humilier Zelensky. Il y a le fait qu'il y ait cette perspective de rencontre entre Poutine et Zelensky. Il y a des points positifs. Mais enfin, pour moi, cette rencontre ne permet pas de monter le rapport de force indispensable à faire plier Poutine. Et là, il n'y a rien qui nous permet d'aller vers cela. C'est ce qui m'inquiète, c'est-à-dire que Poutine ne respecte jamais sa parole, donc il peut dire qu'il y aura des garanties de sécurité et finalement ne pas les respecter.
Emmanuel Macron a dit que si Poutine ne respectait pas finalement les accords de paix, si des accords de paix venaient à être signés, il faudrait reprendre les sanctions contre la Russie, voire les amplifier. Qu'est-ce que vous feriez finalement à sa place, Emmanuel Macron ?
Accélérer le processus d'adhésion de l'Ukraine à l'Europe, à l'Union européenne, petit 1. Petit 2, se passer de toutes les ressources russes. Voilà, faire un véritable embargo sur la Russie. Le gaz, l'uranium et tous les échanges avec la Russie. Et là, on aurait un véritable rapport de force. Là, l'Europe serait un acteur majeur et ne s'inviterait pas de force à la table de Trump.
En revanche, il y a une question qui n'a pas du tout été abordée hier. C'est justement le partage de ces territoires, des territoires ukrainiens. Est-ce que ça, c'est un problème selon vous ? Donald Trump et les Européens semblaient dire que cette question serait abordée lors de la rencontre entre Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky. Est-ce que ça aurait dû être abordé dès hier selon vous ?
C'est le sujet principal. C'est la capacité de l'Ukraine à garder son territoire et qu'est-ce qu'on met dans la négociation. Et en fait, là aujourd'hui, la Russie occupe des territoires. Rien n'est dit sur ce qui allait se passer sur ces territoires-là. Est-ce qu'il y a un plan de retrait de la Russie ? Est-ce qu'il y a une acceptation de l'occupation par la Russie ou est-ce qu'au contraire, on va au-delà de ce qui est déjà conquis pour avoir des parties complètes de l'Ukraine ? Tout ça n'étant pas abordé, pour moi, l'essentiel n'a pas été posé sur la table. C'est-à-dire qu'en fait, on est dans une espèce de numéro de flatterie de Trump, qui à mon avis est assez ridicule d'ailleurs, mais on n'est pas dans un rapport de force. C'est ce que je vous disais, c'est-à-dire qu'on n'a pas posé les éléments du rapport de force, que ce soit sur la solution, que ce soit sur la manière de faire plier Poutine. Je regarde ça, je me dis que sans doute ça va aboutir quand même à quelque chose, j'espère en tout cas pour le peuple ukrainien qui subit cette guerre de manière très intense, mais aujourd'hui je ne suis pas extrêmement optimiste sur l'issue de ce processus.
"Je censurerai sans aucun doute" le gouvernement à la rentrée
Alors on va parler du budget de cette rentrée sociale, ça donne un petit peu chaud pour le gouvernement. Juste avant, sur le budget des armées, Emmanuel Macron parle d'une menace existentielle russe. Il souhaite doubler le budget des armées ici en France. Est-ce qu'il a raison ?
On a déjà fait une loi de programmation sur l'armée. Plus on finance des armes, plus on monte notre armée, plus on se dirige vers un processus de guerre. Moi, je ne suis pas pour ça. Les écologistes ont toujours été pour la paix et je pense que la manière de faire la paix est aujourd'hui plus une question de ressources qu'une question d'armée. Et en fait, nous ne prenons aucun virage, nous ne prenons aucune mesure économique qui nous permettrait de faire cette transformation, qui nous ferait moins dépendre du gaz, moins dépendre du pétrole, moins dépendre des ressources rares qui sont dans certains pays, notamment l'Ukraine.
Cette absence de transformation fait que la seule issue possible, et ça je voudrais vraiment le poser parce que c'est très grave en fait, c'est-à-dire que là, le système libéral capitaliste que nous avons aujourd'hui n'a plus de légitimité auprès de la population puisqu'on sait que nos enfants n'auront pas de meilleure situation que la nôtre, etc. Donc en fait, les deux seuls moyens c'est soit la transformation radicale de ce système, c'est la décroissance, la sortie de ça, soit au contraire l'accélération de ce système vers un système nationaliste et donc de guerre. Et en fait, à la fin, quelle est l'option que nous choisissons ? Emmanuel Macron nous emmène vers le projet de tension et de guerre, moi je voudrais que nous prenions l'autre option. Ce sont deux projets radicalement différents, et plus nous armons, plus nous aurons envie d'utiliser ces armes à un moment.
On a parlé du budget des armées, on va parler du budget tout court et de cette volonté. Le gouvernement a trouvé un peu plus de 43 milliards d'euros d'économie. François Bayrou a présenté ses orientations budgétaires au 15 juillet. On est d'accord, les Écologistes censurent le gouvernement dès la rentrée.
En tout cas, moi je le censurerai sans aucun doute. Après, nous n'avons pas encore eu de réunion de groupe des députés écologistes, mais je ne doute pas un instant que le groupe censure ce gouvernement. Vu les annonces qui ont été faites cet été, il n'y a aucune raison de ne pas censurer. Et j'invite les Socialistes à ne pas se tromper. C'est-à-dire que là, les 40 milliards d'économies, les arrêts maladies, les deux jours de travail en plus, la suppression des crédits à peu près partout, sauf là où c'est nécessaire. En fait, il y a quand même une volonté de mettre le peuple sous pression, de le priver de droits fondamentaux. Je n'imagine pas que le PS laisse passer ça.