« Ce gouvernement ne répond pas aux besoins des femmes » : Face aux mensonges du pouvoir, une ONG ouvre le premier centre dédié à l’avortement de Pologne

Donald Tusk n’a pas tenu ses promesses en ce qui concerne l’accès à l’interruption volontaire de grosses (IVG) en Pologne. Le premier ministre conservateur avait promis que, s’il était élu fin 2023, l’accès à l’avortement deviendrait gratuit, sûr et légal pour toutes, et ce, dans les cent jours qui suivraient son arrivée au pouvoir.

Élu le 13 décembre 2023, Donald Tusk n’est jamais revenu sur la législation – répressive – polonaise. Face à cette situation, des militantes féministes ont décidé de prendre à bras-le-corps le combat, en créant un centre dédié à l’interruption de grossesse. Ce dernier, situé à côté du Parlement polonais et du siège de la Coalition civique – le parti de Donald Tusk -, doit ouvrir ses portes samedi 8 mars, journée internationale des droits de la femme.

« Les décisions les plus importantes y sont prises »

« C’est symbolique. La rue Wiejska est la rue la plus importante de Varsovie, résume Natalia Broniarczyk, membre de l’ONG Abortion Dream Team, à l’origine du centre, au journal britannique The Guardian. Les décisions les plus importantes y sont prises, désormais aussi sur l’avortement. »

Concrètement, le centre consacrera un espace à la prise de renseignements sur les options d’avortement. Les membres d’Abortion Dream Team espèrent ainsi que les interactions pourront être adaptées aux besoins de chaque femme venue demander leur soutien. Ces dernières pourront partir avec des informations spécifiques, mais aussi avec des conseils sur la façon d’obtenir des pilules abortives.

Les femmes souhaitant recourir à l’IVG pourront aussi rester au centre, afin d’y recevoir du soutien pendant qu’elles prennent la pilule. Quatre employées ont été recrutées, tandis que les services seront assurés financièrement grâce à des dons et la vente de marchandises au sein du centre.

Alors que la fourniture de pilules abortives ou l’aide pour en obtenir est considérée comme un crime passible d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison, les fondatrices espèrent pouvoir compter sur le soutien de la population et s’appuyer sur les promesses de Donald Tusk pour tenir dans la durée.

Une interdiction quasi-totale pour les Polonaises

« Ce que nous faisons pourrait être considéré comme illégal, estime Justyna Wydrzyńska, elle aussi membre de l’Abortion Dream Team. Mais ce gouvernement ne répond pas aux besoins des femmes. » Les principales craintes de l’ONG se tournent vers les autorités, qui pourraient compliquer leurs efforts en coulisses, avec des interrogatoires réguliers ou la discréditation de leur lutte.

La loi polonaise relative à l’avortement n’autorise un accès à l’IVG qu’en cas de viol, d’inceste ou de risque pour la santé ou la vie de la personne enceinte. Surtout, la législation va à l’inverse d’une avancée. Alors que l’avortement était déjà restreint depuis 1993, une décision de la Cour constitutionnelle polonaise, entrée en vigueur en 2021, a supprimé le droit d’avorter en cas de malformation du fœtus. Soit une interdiction quasi-totale pour les Polonaises.

En juillet 2024, le Parlement n’a pas adopté un projet de loi visant à réparer les préjudices causés par la régression de la loi relative à l’avortement en 2021. Ce dernier proposait également de mettre fin à la criminalisation de « l’aide à l’avortement ». Or, il a été rejeté par des membres de la coalition au pouvoir, appartenant au Parti paysan polonais (PSL), qui ont voté contre ce texte aux côtés des membres du PiS et d’autres conservateurs.

Donald Tusk prétexte un manque de majorité. Il préfère surtout agiter le spectre des prochaines élections présidentielles, prévues en mai 2025. Donald Tusk, qui espère y être élu, répète ainsi : « Je peux seulement promettre que, dans le cadre de la loi existante, nous ferons tout pour que les femmes souffrent moins, pour que l’avortement soit aussi sûr que possible et accessible lorsqu’une femme doit prendre une telle décision. Pour que les personnes qui s’impliquent pour aider une femme ne soient pas poursuivies. »

Encore des promesses, à propos desquels les militantes de l’Abortion Dream Team ont peu d’espoir. Place, donc, à l’action avec ce centre, qu’elles veulent promouvoir comme un exemple d’une alternative politique. « Nous voulons que cet endroit soit sur TripAdvisor, en disant aux gens que vous devez voir cet endroit à Varsovie, espère Natalia Broniarczyk. Parce que c’est le premier centre d’avortement de la Pologne démocratique. »

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