L’Union européenne à la croisée des chemins : défendre les droits des femmes face à l’extrême droite

Le 8 mars n’est pas qu’un symbole. C’est un avertissement. Partout en Europe, les droits des femmes vacillent sous la pression de l’extrême-droite, qui s’attaque aux acquis féministes et aux minorités. Je reviens de Pologne, où j’ai observé les ravages d’une politique ultra-conservatrice sur les droits des femmes. Cette menace ne s’arrête pas aux frontières : elle exige une action de toute l’Union européenne.

Certes, des avancées existent. La directive sur l’égalité salariale (2023) et celle contre les violences faites aux femmes (2024) montrent que l’UE peut être un levier de progrès. Mais ces avancées restent fragiles et insuffisantes. Derrière des discours de façade, certains gouvernements contournent les engagements européens, sabrent les financements aux ONG et réactivent des politiques masculinistes. L’heure est venue pour l’UE d’agir fermement : en renforçant son arsenal législatif, en soutenant massivement les associations et en sanctionnant les États qui tournent le dos aux droits fondamentaux.

Les droits sexuels et reproductifs, cibles privilégiées de l’extrême droite

Alors que la France grave enfin le droit à l’IVG dans sa Constitution, d’autres pays connaissent un retour en arrière brutal. Aux États-Unis, l’annulation en 2022 de l’arrêt Roe v. Wade a montré avec violence la rapidité des régressions possibles. En Italie, Giorgia Meloni s’attaque ouvertement au droit à l’IVG en favorisant l’intervention d’associations anti-IVG dans les structures organisant l’accès à l’avortement, le rendant de plus en plus difficile.

Une accélération de l’offensive anti-IVG en Europe

En Pologne, le PiS, au pouvoir de 2015 à 2023, a imposé l’une des législations les plus répressives d’Europe. Et malgré l’espoir suscité par l’arrivée au pouvoir de Donald Tusk et sa promesse de rétablir un accès légal et sûr, la réalité est plus complexe : les blocages institutionnels et la pression des conservateurs rendent l’accès à l’avortement toujours aussi difficile. Seule la mobilisation des activistes, encore une fois, permet d’espérer un changement. L’ouverture prochaine d’une clinique abortive à Varsovie, fruit d’un travail acharné des militant·es et de l’Abortion Dream Team, incarne cet espoir fragile et doit nous guider dans nos luttes.

L’UE ne peut se contenter d’être spectatrice. Elle doit cesser d’être complice par son inaction et garantir un accès universel à l’IVG. L’adoption de la clause de l’Européenne la plus favorisée permettrait à toutes les femmes du continent de bénéficier des meilleures protections existantes en matière de droits reproductifs.

Contraception et éducation sexuelle : nouvelles cibles des réactionnaires

La bataille ne se limite pas à l’avortement. En Hongrie, le gouvernement Orbán restreint l’accès à l’éducation sexuelle sous couvert de défendre les « valeurs traditionnelles », laissant une génération entière sans information sur la contraception et la prévention des IST. En Pologne, la pilule du lendemain est soumise à prescription, renforçant une politique répressive à l’encontre des femmes.

Ces restrictions ne concernent pas seulement les régimes les plus réactionnaires. En France, malgré un cadre législatif protecteur, l’éducation à la sexualité reste insuffisante. Quant au nouveau projet de loi visant à garantir un meilleur encadrement des séances, il suscite déjà de vives résistances des conservateurs sous couvert de préservation de l’innocence de l’enfant. Cela témoigne d’une réalité inquiétante : les droits à l’information et à la contraception ne sont jamais acquis.

Face à ces menaces, l’Union doit jouer un rôle-clef en garantissant un accès universel à la contraception et à une éducation sexuelle basée sur des faits scientifiques. Cela implique de sanctionner les États qui entravent ces droits. Mais il est aussi urgent d’harmoniser les politiques éducatives au sein de l’UE, afin que chaque jeune puisse bénéficier d’une formation complète, à l’abri des influences idéologiques réactionnaires.

L’extrême-droite à l’assaut de l’égalité : un mandat européen sous tension

L’extrême-droite ne cache plus son agenda : affaiblir les avancées féministes et restreindre les droits des minorités. Au poste de commissaire européen à la santé, Viktor Orbán a placé un de ses proches, compromettant toute avancée en matière de droits reproductifs et d’égalité des genres. En Allemagne, Friedrich Merz conteste la parité gouvernementale sous prétexte d’une « méritocratie biaisée ».

L’égalité sous attaques : la stratégie du démantèlement

À cela s’ajoute l’élection d’un nombre record de député·es d’extrême droite au Parlement européen, plaçant l’agenda féministe et progressiste sous intense pression. Ces élu·es bloquent systématiquement les avancées en matière de droits des femmes et des minorités. Dans ce contexte, chaque vote devient une bataille acharnée.

L’UE, construite sur des valeurs de paix et de droits, ne peut rester passive. Il est ainsi impératif de maintenir la pression sur les institutions pour éviter un retour en arrière historique et désastreux. L’unité des forces progressistes, alliée à une mobilisation constante de la société civile, est donc primordiale.

Les financements des ONG, nouvelle cible de l’extrême droite

L’une des stratégies les plus pernicieuses des gouvernements d’extrême droite est l’assèchement des financements des ONG féministes et de défense des minorités. En Hongrie, ces associations ont vu leurs ressources fondre, mettant en péril des services vitaux pour les personnes les plus vulnérables. En France, l’extrême droite et une partie de la droite républicaine attaquent sans relâche les plannings familiaux.

Face à cette offensive, l’UE doit réagir. La bataille pour le budget pluriannuel post-2027 sera déterminante : il faudra sanctuariser les financements des ONG. Ces structures sont des piliers essentiels de la démocratie et de la justice sociale. Il est urgent de les protéger.

Chaque avancée féministe a été arrachée par la mobilisation. Aujourd’hui, elle est plus essentielle que jamais face à une extrême droite qui n’hésite plus à afficher ses intentions : affaiblir les institutions démocratiques, restreindre les libertés des femmes et des minorités et imposer une vision réactionnaire de la société. L’Espagne a prouvé que le rapport de force pouvait s’inverser. Sous Pedro Sánchez, des réformes ambitieuses ont consolidé les droits des femmes et des LGBTQI +. L’Union doit s’appuyer sur ces succès.

Elle a les moyens d’agir, mais ne le fera que sous la pression des citoyen·nes. Nous devons exiger un avenir où les droits des femmes ne sont pas que protégés mais aussi renforcés. La directrice de l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, Carlien Scheele, affirmait en septembre dernier qu’il restait « encore 60 ans pour l’égalité dans l’UE ». Mais comment croire à cet horizon lointain, alors que les attaques contre les droits fondamentaux se multiplient ? Attendre 60 ans, c’est accepter le risque d’un retour en arrière permanent. L’égalité ne se négocie pas, elle se conquiert ici et maintenant.

L’extrême droite a déclaré la guerre aux droits des femmes. À nous de mener la riposte.

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