Vote de confiance : "François Bayrou bat des records absolus d'impopularité", affirme Frédéric Dabi, directeur général de l’Institut IFOP

Djamel Mazi : Jeudi 4 septembre sur France 2, François Bayrou a dit ne regretter en aucune manière d'avoir sollicité ce vote. Est-ce qu'on peut dire qu'il a lui-même précipité la crise politique ?

Frédéric Dabi : J'avais parlé, au soir de son annonce, d'un "harakiri" politique. Demander un vote de confiance avec des oppositions si hostiles, si radicalisées, c'était presque mission impossible. Il a fait une sorte de tournée des adieux. Il a répété ses différents mantras : le danger de la dette, le pronostic vital engagé de la France. Ça a convaincu les Français sur le constat, plus que jamais, la dette devient un enjeu majeur dans notre enquête IFOP Fiducial pour Sud Radio, où chaque année on s'intéresse aux priorités des Français. Le sentiment que la dette est prioritaire a encore gagné cinq points. C'est quasiment dans le top 6 des enjeux les plus prioritaires. Mais, là où le bât blesse, c'est que sur les solutions apportées par François Bayrou, notamment les fameux deux jours fériés, il y a un rejet absolu de l'ordre de 85 %. Et ça a entaché l'ensemble de son œuvre budgétaire.

Ce matin chez nos confrères de RTL, François Bayrou a dit : "Ce n'est pas une tournée d’adieu. La politique ce n'est pas du spectacle."

Il a tout à fait raison. La politique n'est en rien du spectacle. Les Français vivent mal depuis le 7 juillet, depuis le second tour, ce que j'appelle l'éclipse du politique. Parce qu'il n'y a pas de majorité absolue, pas vraiment de majorité relative. Il n'y a rien en termes d'action. Quand on interroge les Français sur François Bayrou, avant les annonces du 15 juillet, la grille de lecture c'était l'inaction. La France est un pays où l'on croit à la politique. La politique est là pour changer la vie, pour régler les problèmes, pour faire les bons constats. Et de ce point de vue là, le compte n'y est absolument pas, d'où des records absolus d'impopularité. L'IFOP est le plus ancien institut de sondage français, on peut comparer François Bayrou avec Michel Debré, Raymond Barre ou d'autres Premiers ministres, et c'est celui qui a reçu le plus grand nombre de personnes mécontentes.

Comment le président de la République a-t-il pu autoriser à ce qu'il utilise le fameux 49.1, qui le met en première ligne, dès lundi ?

C'est une sorte d'épisode II de cette dissolution, qui est peut-être l'acte le plus incompris pris par un chef de l'État sous la Ve République. Le fait qu'il ne comprenne pas les Français est la principale critique que les Français lui adressent. La fameuse "déconnexion", qui ne date pas de son élection de 2017, mais qui date de son entrée dans le champ politique. Lors de sa première prise de parole en 2014, à la radio, il parle des ouvrières de Gad comme des "illettrées". Dès le début, les Français ont le sentiment que c'est un président qui ne les connaît pas, qui ne les écoute pas et qui ne les comprend pas. La manière, aujourd'hui, dont les Français veulent trancher cette crise et revenir au canon traditionnel de l'action parlementaire et politique, c'est la dissolution. En juin, on avait que 40 % des Français favorables à la dissolution, aujourd'hui c'est 60 %.

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