« On arrive à une saturation du système » : la Contrôleure des prisons alertent les députés sur l’état critique du système carcéral
Avec 84 447 détenus au 1er juin, jamais les prisons françaises, qui souffrent d’une surpopulation carcérale systémique, n’ont compté autant de détenus, selon les nouvelles données du ministère de la Justice. La Commission des lois a accueilli, dans la matinée du mercredi 2 juillet, les représentants du groupe de travail sur la régulation carcérale, mené par Dominique Simonnot, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL).
Six porte-paroles, sur les 27 organisations ayant contribué au rapport, dévoilé il y a une dizaine de jours, étaient aussi présents. « La régulation carcérale a pris une nouvelle actualité avec les derniers chiffres sur les incarcérations du 1er juin », a lancé Florent Boudié, président de la Commission des lois, en guise d’introduction. En réalité, la surpopulation au sein des établissements pénitentiaires est un phénomène en cours depuis plusieurs décennies.
« On est à plus de 5 000 détenus par an »
« Entre 1981 et 2021, on a une augmentation de la population pénale qui est à peu près continue, d’environ 1 000 détenus par an, a ainsi rappelé Ivan Gombert, représentant syndical pour FO des directeurs des services pénitentiaires. Depuis, on est à plus de 5 000 détenus par an. » Même son de cloche pour Dominique Simonnot, qui rappelait quelques minutes auparavant que, « cinq ans jour pour jour, on était 58 000 détenus grâce au Covid qui a vidé les prisons ». La densité carcérale dépasse, depuis le 1er mai 2025, les 200 % dans 23 établissements ou quartiers pénitentiaires, selon les données du ministère de la Justice.
C’est pourquoi les membres du groupe de travail sur la régulation carcérale tentent « d’obtenir de la représentation nationale qu’elle se rende compte des conditions concrètes de la prison », alerte la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Les exemples concrets se sont ainsi enchaînés pendant plus d’une heure. « Robin Cotta, 22 ans, suppliait depuis des jours qu’on le change de cellule, car il était terrorisé par son codétenu, qu’il disait fou, raconte par exemple Juliette Viard-Gaudin, responsable nationale de la mission justice-prison chez Emmaüs France. Faute de place, il n’a pu être transféré. Son codétenu a cassé une tasse et l’a égorgé ». Il est mort le 9 octobre 2024 dans sa cellule 504, du quartier des arrivants de la maison d’arrêt des Baumettes (Marseille).
« Par les cohabitations imposées dans des cellules surchauffées, insalubres, où se mêlent l’anxiété, les troubles psychiques, des profils très différents, les tensions explosent », ajoute Juliette Viard-Gaudin. La surpopulation carcérale crée un environnement de violence. Le manque de moyens du secteur carcéral le maintient.
« Il y a plus de 5 000 matelas au sol, certains détenus sont contraints de prendre des douches froides en plein hiver, certains établissements ne sont plus en capacité de fournir des repas à toute personne détenue, car les cuisines ont été dimensionnées pour un nombre bien défini », fustige quant à elle Estelle Carraud, secrétaire générale du SNEPAP-FSU. « Le nombre d’agents nécessaire pour faire fonctionner un établissement est élaboré pour un établissement en encellulement individuel, renchérit Ivan Gombert. Vous avez un agent pour autant de cellule. Or, on est, en réalité, à 200 % de surpopulation. » Il est donc clair, pour Estelle Carraud, que l’on « arrive à une saturation du système ».
« La mise en place d’un mécanisme de régulation carcérale »
La situation est telle que de détenus en deviennent obligés de hausser le ton pour accéder à des besoins rudimentaires. Comme en juin 2025, à Perpignan, lorsque des détenus ont ainsi refusé d’intégrer leurs cellules, après la promenade. Leurs deux seules revendications : de la nourriture et des douches. Pour Prune Missoffe, de l’Observatoire international des prisons, « il n’y a qu’une seule solution envisageable : la mise en place d’un mécanisme de régulation carcérale ».
Sortir du système punitif s’avère être une autre porte de sortie, selon les conclusions du rapport : 63 % des personnes détenues retournent en prison dans les années qui suivent leurs sorties, contre 16 % pour le placement à l’extérieur et 38 à 46 % pour la surveillance électronique. Dominique Simonnot plaide ainsi pour « la mise en place d’une régulation carcérale contraignante fondée sur la loi ».
Un changement de système qui reste loin d’être atteignable dans l’immédiat. Le Garde des sceaux, Gérald Darmanin, préfère, comme il l’a rappelé dans une lettre envoyée à la mi-mai aux magistrats, mettre en avant la construction de prisons modulaires, l’expulsion de détenus étrangers ou encore la différenciation des prisonniers en fonction de leur niveau de dangerosité.
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