ÉDITO. Le pape François entretenait une relation particulière avec Emmanuel Macron et la France
Le pape François avait reçu Emmanuel Macron à six reprises et le chef de l’État a toujours pris soin de multiplier les démonstrations de respect et d’affection à l’endroit de ce pape qui a toujours été, selon ses mots lundi 21 avril, "aux côtés des plus vulnérables, des plus fragiles". François n'a pas non plus dédaigné la France, le pays qu’il a le plus visité en douze ans. Il y a effectué trois déplacements, à Strasbourg dès 2014, Marseille en 2023 et en Corse à la fin de l’année 2024. Mais ces visites ont alimenté des malentendus. À Strasbourg, par exemple, le pape n’avait pas mis les pieds à la cathédrale. Et la fois suivante, il avait cru bon de souligner qu’il allait "à Marseille, et pas en France", comme pour souligner qu’il ne gratifiait pas la France d’une visite officielle.
Et il y a eu une absence, à Notre-Dame-de-Paris, le 8 décembre 2024. François avait décliné la proposition d’Emmanuel Macron de présider la messe de réouverture de la cathédrale après cinq ans de travaux. Ce refus suscita une vraie incompréhension du côté de l’Élysée. Il tourna à l’affront quand, huit jours plus tard, à l’invitation du cardinal Bustillo, évêque d’Ajaccio, le pape François se rendit en Corse pour assister à un colloque et célébrer une messe en plein air. C’est donc finalement Emmanuel qui vint à François pour un tête-à-tête de 45 minutes à l’aéroport d’Ajaccio.
Immigration, IVG... Des sujets de divergences
Alors, pourquoi tant de malentendus ? Sans doute parce que nombre de prises de position du pape François peuvent apparaître, en creux, comme des critiques de l’action du chef de l’État. Et réciproquement, certains choix macronistes heurtent les canons du Vatican. Au fil de ses deux mandats, Emmanuel Macron a adopté des positions de plus en plus fermes sur les sujets régaliens, immigration et sécurité. Il s’est, également, montré plus ouvert sur les réformes sociétales, comme l’extension de la PMA ou, malgré ses réserves, l’ouverture d’un débat législatif en cours sur "l’aide active à mourir".
À l’inverse, tout au long de son pontificat, le pape François s’est indigné avec force des politiques migratoires répressives. Mais, fidèle au dogme de l’Église, il n’a cessé de pourfendre violemment l’avortement, assimilant l’IVG, désormais constitutionnalisée en France, à un "crime" pratiqué par des médecins qu’il qualifiait de "tueurs à gages". Il avait également fait part à Emmanuel Macron de son hostilité à toute forme d’aide à mourir, lançant au retour de sa visite à Marseille, "on ne joue pas avec la vie, ni au début, ni à la fin". Les engagements d’un Pape d’un côté, les choix d’un chef d’État de l’autre, deux sphères indépendantes l’une de l’autre, voilà somme toute une illustration assez fidèle de la laïcité. Comme disait Victor Hugo : "L'Église chez elle, l’État chez lui."