Dermatose nodulaire contagieuse : pourquoi les syndicats agricoles sont divisés sur l'abattage et la vaccination des bovins

Une crise sanitaire qui "prend aux tripes". Dans le Gers comme dans de nombreux autres départements de la moitié sud de l'Hexagone, le spectre de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) plane sur les élevages de bovins. Plusieurs actions ont été organisées, samedi 13 décembre, pour protester contre l'abattage de troupeaux affectés par cette maladie venue d'Afrique qui gagne l'Europe, avec 110 foyers détectés à ce jour en France depuis la découverte d'un premier foyer en Savoie en juin.

Toutefois, sur les ronds-points bloqués et dans les cortèges, les demandes des syndicats agricoles ne sont pas toujours les mêmes. Certains suivent les recommandations officielles sur la neutralisation des troupeaux concernés et la vaccination des bêtes. D'autres militent pour des mesures intermédiaires, moins généralisées et moins "destructrices" pour les élevages. Au risque de faire durer cette crise, et même de l'installer en Europe, leur répondent les autorités et certains élus.

L'abattage systématique au cœur des dissensions

De très nombreux éleveurs n'arrivent pas à se résoudre à l'abattage obligatoire d'un troupeau entier dès le premier cas de dermatose nodulaire. Cette mesure de précaution est inscrite dans la réglementation de l'Union européenne et repose sur un consensus scientifique. "Bloquer les abattages, c’est risquer la dermatose bovine dans toute la France", affirme le vétérinaire Christophe Brard, cité par le site spécialisé Web-agri. La ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, a martelé vendredi qu'il s'agissait de "la seule solution".

Cette position est défendue par la FNSEA, le premier syndicat agricole français, ainsi que par leurs principaux alliés, les Jeunes Agriculteurs (JA), du moins au niveau national. Sur Europe 1 vendredi soir, Quentin Le Guillous, secrétaire général des JA, a rappelé que l'indemnisation démarre à "2 000 euros par vache" tuée, et qu'une aide de l'Etat existe pour combler les pertes des éleveurs par la suite. Cependant, des dissensions chez les JA se font ressentir sur le plan départemental, comme l'a constaté franceinfo dans le Gers notamment, où l'on réclame la fin de l'abattage obligatoire et généralisé. 

Face au gouvernement et à la FNSEA, on retrouve la Coordination rurale (classée à droite), la Confédération paysanne (gauche), mais aussi certaines chambres d'agriculture comme celles d'Ariège et de Haute-Garonne. Elles jugent l'abattage de l'ensemble des troupeaux "inefficace" et synonyme de préjudice moral et psychologique pour les exploitants. A la place, elles réclament une "surveillance renforcée, un abattage ciblé des seuls animaux positifs à la DNC ainsi que l'élargissement de la vaccination", comme l'a listé la Confédération paysanne dans un communiqué. Ces mesures risquent de laisser la maladie se propager à l'intérieur comme à l'extérieur des troupeaux, alerte de son côté l'expert vétérinaire David Quint, cité par France 3 Nouvelle-Aquitaine

La vaccination généralisée menace la filière, selon la FNSEA

Les élus favorisant la vaccination réclament des campagnes plus larges, qui ne se limitent pas aux zones sous surveillance décrétées après la découverte de cas de DNC. Vendredi, le gouvernement a étendu les aires de vaccination obligatoire contre la dermatose bovine dans le Sud-Ouest. "Nous allons, dans les semaines qui viennent, vacciner près d'un million d'animaux et donc, protéger les éleveurs", a promis la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, samedi au micro d'ICI Occitanie.

Dans le détail, la Confédération paysanne souhaite une vaccination élargie autour des zones réglementées, alors que la Coordination rurale demande une campagne "généralisée" visant tous les troupeaux du pays.

A l'inverse, ceux qui préconisent le "dépeuplement" des troupeaux touchés – terme technique utilisé par les autorités – se montrent frileux à l'idée de vacciner massivement les bêtes contre le virus de la DNS. "C'est probablement ce qui se passera si la maladie n'est pas sous contrôle. Ce n'est pas ce que nous souhaitons", a commenté Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA.

Le syndicat estime qu'un tel dispositif prendrait beaucoup de temps avant de donner des résultats, et priverait au passage la France de son statut européen de pays "indemne" vis-à-vis de la DNC. Les ventes vers d'autres pays seraient impossibles pendant de longs mois, alerte la FNSEA. La France compte parmi les plus gros exportateurs de bovins vivants dans le monde. Au-delà de la simple question scientifique, l'épidémie de dermatose bovine se présente aussi comme un dilemme économique et politique.