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Julien Bugier : Annie Genevard, votre parole est importante et attendue. D'abord, un mot sur ces images violentes des CRS qui repoussent des agriculteurs qui veulent sauver leurs bêtes. Au-delà de l'aspect financier, vous savez à quel point c'est un déchirement pour un éleveur et pour une famille. Est-ce que ces images vous choquent ?
Annie Genevard : Je voudrais dire d'abord, évidemment que comme tous les Français, voir des éleveurs perdre leur cheptel, c'est une souffrance. Je le mesure, je le comprends, je l'ai vu sur le terrain, en Savoie, en Haute-Savoie, dans le Jura, dans le Doubs. Je voudrais avoir un mot de compassion pour ces éleveurs qui vivent quelque chose d'extrêmement douloureux, et je voudrais leur dire en préambule que je ne laisserai aucun éleveur seul face à la maladie.
Et évidemment, je déplore les images violentes auxquelles nous avons pu assister hier. Les deux éleveurs dont on va dépeupler l'élevage ont accepté l'abattage parce que cette maladie est absolument terrible, je voudrais vous en dire deux mots. D'abord, elle n'a jamais existé en France, c'est une maladie tropicale qui est arrivée en Europe, elle est en Espagne, en Italie. C'est une maladie, comme son nom l'indique, qui est horriblement contagieuse et qui a, en plus, comme caractéristique d'être invisible parfois et indétectable au test. Donc l'objectif, c'est d'éteindre le foyer viral pour protéger le reste des éleveurs.
Précisément sur la vaccination qui est la solution face à l'épidémie, des syndicats réclament la vaccination de l'ensemble du cheptel français au niveau national : simple, efficace. Êtes-vous en mesure de leur dire oui, on va le faire ?
Déjà, on se concentre sur les zones où il y a des foyers infectieux. En Savoie et en Haute-Savoie, on a eu 78 foyers. Vous n'en avez pas entendu parler, on a dépeuplé des élevages. Les éleveurs l'ont accepté parce qu'il n'y avait pas d'autre solution. Les bêtes tombaient malades les unes après les autres. Et elles souffrent beaucoup, c'est une maladie qui fait souffrir les animaux. Puis nous avons aidé au repeuplement. L'État est là, aux côtés des éleveurs. Et dans ces zones où il y avait des foyers d'infection, tout autour, à 50 kilomètres, nous avons vacciné de façon obligatoire. La vaccination, c'est une protection.
Si un nouveau foyer est détecté dans une autre région de France, ça veut dire que vous vaccinez tous les cheptels à 50 km aux alentours, c'est ça ?
Exactement. Nous avons déjà vacciné un million d'animaux en France et nous avons éradiqué la maladie dans de très nombreux endroits, en Savoie, en Haute-Savoie, dans le Jura, dans le Doubs, dans l'Indre. La stratégie fonctionne. C'est la stratégie qui a été mise au point par des scientifiques, par des vétérinaires. Vous savez, je ne l'ai pas décidé d'autorité. Il faut éradiquer cette maladie, sans quoi elle peut causer la mort de 10% du cheptel français. Moi, mon rôle, il est de protéger les éleveurs et l'élevage français. Et c'est ça qu'il est fondamental de comprendre.
Un tout dernier mot sur l'indemnisation. Vous l'avez évoquée. Pour 207 bêtes abattues, combien vont toucher ces deux éleveurs, précisément ?
Les éleveurs percevront la valeur marchande de l'animal. L'État est là pour indemniser les bêtes qui auront été euthanasiées. L'État est là pour prendre en charge les pertes d'exploitation parce qu'un éleveur, évidemment, ne produit plus de viande. Le cheptel ne produit plus de viande, plus de lait. Donc on indemnise les pertes d'exploitation, on indemnise également la désinfection soigneuse des bâtiments d'élevage parce que cette maladie est redoutable, elle peut persister dans les bâtiments d'élevage.
Donc, ça fait plusieurs centaines de milliers d'euros ?
L'État est aux côtés des éleveurs.
Pas un centime d'euros ne sera perdu pour les éleveurs ?
Bien sûr. Pas un centime d'euros ne sera perdu par les éleveurs. Moi, je suis aux côtés des éleveurs. Aucun éleveur ne sera abandonné. L'ennemi, et je veux le dire, c'est le virus. C'est une guerre sanitaire que nous menons. Il est fondamental que nous la gagnions pour les éleveurs. Parce que sinon, les catastrophes humaines, sociales, économiques seraient absolument désastreuses. Je ressens très douloureusement la détresse des éleveurs, mais il faut, en responsabilité, que j'exerce cette mission très difficile, très douloureuse.
Sauver l'élevage français, c'est ça qui est l'objectif. Et c'est la raison pour laquelle nous avons dû prendre ces décisions extrêmement douloureuses, mais que j'espère les moins nombreuses possibles. Et surtout, je veux dire : pas de violence. Parce que la violence n'avancera à rien et ce n'est pas ainsi que l'on combattra ce virus redoutable.
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