« Le pare-feu, c’est nous ! » : l’Allemagne se mobilise face à la banalisation de l’extrême droite
En une décision politique, Friedrich Merz aura réussi à réunir des centaines de milliers d’Allemands contre lui. Le candidat à la chancellerie du parti conservateur Union chrétienne-démocrate (CDU) a décidé de rompre le cordon sanitaire qui tenait l’extrême droite allemande à la marge pendant près de sept décennies, mercredi 29 janvier.
Le week-end suivant a été synonyme de mobilisation massive. Contre ce « pacte avec le diable », 250 000 manifestants (160 000 personnes selon la police) se sont donnés rendez-vous au pied du Bundestag, le Parlement allemand, dimanche 2 février. D’autres rassemblements contre l’extrême droite ont rassemblé, un jour plus tôt, près de 220 000 personnes, d’Aix-la-Chapelle à Cologne, en passant par Francfort, Hambourg, Augsbourg, Braunschweig, Brême, Karlsruhe ou Leipzig. Des milliers de manifestants s’étaient déjà rassemblés dès mercredi soir, devant le siège de la CDU/CSU, la « maison Adenauer », située à Berlin.
Une remise en cause du droit d’asile
La fracture a eu lieu lorsque le chef de file de la CDU a eu recours aux voix de Alternative für Deutschland (AfD) pour faire adopter – avec 348 votes positifs contre 345 négatifs – une motion plaidant pour durcir la législation de l’immigration. Dans ce texte intitulé « Zustrombegrenzungsgesetz » – « loi de limitation du flux » en français -, divisé en cinq points, le candidat à la chancellerie plaidait pour un durcissement des contrôles à la frontière allemande, l’expulsion « systématique » des citoyens tenus de quitter le territoire, mais aussi une remise en cause du droit d’asile afin de refouler les demandeurs d’asile.
Un programme qui n’a rien à envier à celui de l’AfD, dont le fonds de commerce repose sur la haine de « l’étranger ». Raciste, fasciste, héritier du nazisme, le parti d’extrême droite codirigé par Alice Weidel est crédité d’environ 20 % d’intentions de vote lors des prochaines législatives – le 23 février -, juste derrière la CDU et ses 30 %. Le même Friedrich Merz a tenté, vendredi 31 janvier, de faire adopter une loi visant à limiter le regroupement familial des exilés.
Appuyé par les députés du FDP (libéraux) et du BSW (Alliance Sahra Wagenknecht)… et de l’AfD, le texte a finalement été rejeté grâce au rétablissement in extremis du cordon sanitaire. Un scénario déterminant, alors que ce projet de loi aurait eu des conséquences légales plus tangibles que la motion votée deux jours auparavant.
Alors que les commémorations pour les 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz ont lieu quelques jours plus tôt, les dizaines de milliers de manifestants berlinois ont marché à proximité du mémorial des Juifs d’Europe, de celui dédié aux Roms et Sintis, et se sont retrouvés place de la République, face au Parlement, celui-là même réduit en cendres le 27 février 1933, mais également à proximité du lieu où Adolf Hitler a obtenu les pleins pouvoirs avec le soutien des conservateurs, en mars 1933. Survivant de la Shoah, l’Allemand Albrecht Weinberg a annoncé, jeudi 30 janvier, vouloir rendre la décoration de l’Ordre du Mérite, plus haute distinction en Allemagne, qu’il a reçu en 2017. Celui qui aura 100 ans en mars, a fustigé la stratégie de la CDU : « Je crains que l’histoire ne se répète. »
« Le pare-feu, c’est nous ! », ont ainsi scandé les manifestants, tandis que Michel Friedman, l’un des rares membres de la CDU à s’être rebellé contre le rapprochement avec l’AfD – au point de quitter le parti -, a pris la parole devant la foule. « La dignité de l’être humain est inviolable, a lancé l’essayiste issu de la communauté juive allemande. Le parti de la haine (l’AfD) est un problème fondamental de ce pays. »
« Vendredi, j’étais très nerveuse, j’ai passé la journée avec des amis à regarder les débats au Bundestag, raconte Öz, militante queer, à l’Agence France-Presse (AFP). De voir en direct la CDU parler puis l’AfD applaudir et vice versa, c’est effrayant. » Le chancelier social-démocrate Olaf Scholz a salué, sur X, le message envoyé par « des centaines de milliers de citoyennes et citoyens dans tout le pays » : « Jamais avec l’extrême droite. » La manifestation s’est achevée devant le siège du parti conservateur.
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