PORTRAIT. "C'est idiot qu'un homme de 50 ans ait toute cette attention" : comment Pedro Pascal, à l'affiche des "4 Fantastiques", est devenu sur le tard l'acteur le plus en vogue

"Tout le monde veut un morceau de Pedro Pascal", titre Vanity Fair. La formule en couverture du numéro d'été du magazine américain est loin d'être un euphémisme. Hollywood s'arrache l'acteur chilio-américain, star de la série The Last of Us. Impossible de passer à côté du quinquagénaire, actuellement à l'affiche de trois films en salle. 

Dans Les 4 Fantastiques, qui sort mercredi 23 juillet, il enfile le costume de super-héros pour Marvel. On le retrouve comme maire d'une ville fracturée dans Eddington, réalisé par le spécialiste du cinéma horrifique Ari Aster, et dans le rôle d'un riche et séduisant homme d'affaires new-yorkais dans Materialists, comédie romantique de Celine Song.

Pedro Pascal est aussi devenu un phénomène sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok, où l'on trouve des milliers de courtes vidéos à sa gloire. A tel point que certains médias y voient "la naissance d'un nouveau culte" ou une "Pedro Pascal mania""C'est un peu idiot qu'un homme de 50 ans ait toute cette attention !", s'amuse l'intéressé dans les colonnes de Vanity Fair, au sujet de cette célébrité aussi soudaine que tardive. Car avant de devenir la nouvelle coqueluche du cinéma et d'internet, le comédien a connu presque deux décennies de galères et de seconds rôles.

Immigré chilien réfugié aux Etats-Unis

Pedro Balmaceda, de son nom de naissance, a grandi au Texas puis en Californie, mais est né au Chili en 1975. Il n'a que 9 mois lorsque sa famille, proche du président socialiste renversé Salvador Allende, fuit la dictature du général Pinochet. Aux Etats-Unis, le jeune Pedro découvre E.T. et Superman sur grand écran et se passionne pour tout ce qui passe sur les chaînes du câble, raconte Variety. Sa mère, Veronica Pascal, le pousse à s'inscrire dans une école d'art, puis il poursuit ses études d'acteur à New York. En 1999, il décroche son premier rôle dans la série Buffy contre les vampires. La même année, sa mère se suicide.

Le comédien adopte alors son patronyme pour honorer sa mémoire. Mais "aussi, parce que les Américains avaient tellement de mal à prononcer Balmaceda", reconnaît l'acteur auprès du magazine américain. L'immigré chilien se produit au théâtre mais peine à se faire une place dans le petit monde fermé de Hollywood. "A cette époque, c'était tellement facile d'être catalogués dans des rôles très spécifiques parce qu'on est latinos", se souvient son ami de longue date Oscar Isaac.

"On se demandait combien de rôles de membres de gang on allait bien pouvoir nous confier."

Oscar Isaac, acteur et ami de Pedro Pascal

à "Variety"

Dans les années 2000 et jusqu'au début des années 2010, sa carrière sur le petit écran vivote au gré de quelques petites apparitions dans les séries New York, section criminelle, Homeland ou Mentalist. "Passer vingt-neuf ans sans avoir percé signifiait que c'était fini, définitivement", se remémore-t-il auprès de Vanity Fair. Le comédien désespère, pense plusieurs fois à abandonner et imagine même une reconversion en professeur de théâtre ou en infirmier. 

Chouchou des fans de "Game of Thrones"

Quand soudain, en 2013, son amie l'actrice Sarah Paulson glisse son nom au créateur de la série la plus populaire du moment : Game of Thrones. Pedro Pascal y incarne Oberyn Martell, un prince animé par le désir de venger la mort de sa sœur. Son personnage ne figure que dans sept épisodes, mais devient l'un des plus emblématiques du show. "On a l'impression que Pedro Pascal emporte tout sur son passage : il a un charisme indéniable et une technique de jeu évidente grâce à son expérience au théâtre", décrypte Marine Bohin, journaliste cinéma.

La renommée d'Oberyn Martell tient surtout à un duel mémorable dans lequel son adversaire lui transperce les yeux à mains nues. "Sa mort, l'une des plus violentes et des plus insupportables de la série, a marqué les spectateurs", se souvient Margaux Baralon, journaliste spécialisée des séries. A 39 ans, Pedro Pascal sort enfin de l'anonymat et décroche des premiers rôles.

Dans Narcos, de 2015 à 2017, il campe un agent des stups qui traque Pablo Escobar. En 2019, l'acteur rejoint la franchise Star Wars et devient la star de la franchise The Mandalorian, un chasseur de primes redouté dont on ne voit quasiment jamais le visage.

Mais c'est quatre ans plus tard, à presque 50 ans, que Pedro Pascal "s'impose comme une superstar grâce à The Last of Us", juge Margaux Baralon. Le succès de cette adaptation du jeu vidéo éponyme, dont la saison 2 est nommée 16 fois à la cérémonie des Emmy Awards qui se tiendra en septembre, propulse l'acteur parmi les 100 personnalités les plus influentes selon le magazine Time

"Daddy" d'internet, pourfendeur de Trump et défenseur des personnes trans

Dans cet univers post-apocalyptique, Pedro Pascal interprète Joel Miller, une sorte de cow-boy torturé qui survit à une pandémie dévastatrice et prend sous son aile une adolescente orpheline. A l'image du Monde, la critique salue la "nuance" que l'acteur apporte à cette figure de tueur d'apparence insensible.

Une partition proche de celle The Mandalorian, dans lequel son personnage se prend d'affection pour "Baby Yoda", une petite créature qu'il protège au péril de sa vie. "Dans ces rôles, il construit l'archétype d'une figure paternelle avec ses tourments et ses défauts, mais qui agit aussi par pure bonté en défendant des enfants qui ne sont même pas les siens", analyse Margaux Baralon. 

Cette image lui colle à la peau en dehors de la fiction. Sur les réseaux sociaux, ses fans le surnomment "Daddy" ("Papa"), une référence à ses rôles de père adoptif, mais qui sexualise aussi l'acteur en lui prêtant ce caractère protecteur. Pedro Pascal en joue d'ailleurs. "Je suis votre papa", lâche-t-il, regard dragueur face caméra, dans une interview en 2022. 

Ses prises de position participent aussi à nourrir son image de bienfaiteur. L'acteur s'en prend régulièrement à la politique migratoire du président Donald Trump. "Que ceux qui essaient de vous faire peur aillent se faire foutre !", tempêtait-il en mai lors du Festival de Cannes. "Je veux que les gens soient en sécurité et protégés, fustigeait-il. Je suis un immigré, mes parents sont des réfugiés chiliens, je suis aussi réfugié."

Pedro Pascal s'est par ailleurs imposé comme une figure de la défense des droits LGBT+. Le quinquagénaire foule les tapis rouges au bras de sa petite sœur, Lux Pascal, femme transgenre, et a récemment porté un tee-shirt en soutien aux personnes trans lors d'une avant-première. En avril, il dénonçait le "comportement dégueulasse" de J.K. Rowling, après une énième saillie transphobe de l'autrice de Harry Potter. "Même si on sait que Hollywood est démocrate, les personnes trans ont peu de soutien en dehors des personnes ouvertement LGBT+", rappelle Margaux Baralon. 

L'acteur Pedro Pascal et sa sœur, Lux Pascal, lors de l'avant-première du film "Gladiator II", à Londres (Royaume-Uni), le 13 novembre 2024. (PLAA/PHIL LEWIS / WENN / SIPA)
L'acteur Pedro Pascal et sa sœur, Lux Pascal, lors de l'avant-première du film "Gladiator II", à Londres (Royaume-Uni), le 13 novembre 2024. (PLAA/PHIL LEWIS / WENN / SIPA)

Un cartoon paru dans le New Yorker en novembre s'amusait de sa réputation d'homme parfait en mettant en scène un thérapeute qui tente de rassurer son patient : "Ce n'est pas du tout étrange, ces derniers temps, beaucoup de gens disent que leur foi en l'humanité repose entièrement sur la possibilité que Pedro Pascal soit aussi gentil qu'il en a l'air".

Une masculinité perçue comme rassurante

L'acteur s'est ainsi érigé en nouveau "modèle de masculinité dont l'Amérique a besoin", écrit même la chaîne MSNBC. Ses looks parfois éloignés de la mode masculine traditionnelle n'y sont pas étrangers. Comme lorsqu'il s'affiche en short court sur les marches du Met Gala ou avec d'interminables cuissardes en cuir pour la sortie de la deuxième saison de The Last of Us.

"Pedro Pascal s'est posé en personnage médiatique qui, à la fois, a tous les attributs physiques de la masculinité classique, et qui revendique une fragilité et une douceur qui montrent qu'il n'y a pas besoin d'être un mâle alpha pour plaire aux femmes."

Marine Bohin, journaliste cinéma

à franceinfo

Cette figure de masculinité rassurante trouve de l'écho dans une ère post-MeToo. "Les beaux gosses de Hollywood adulés pendant des années, comme les Brad Pitt ou les Leonardo DiCaprio, ont vu leur image s'égratigner, à cause de leurs comportements dans leurs relations sentimentales", relève Margaux Baralon. A côté d'une flopée d'"idoles déchues", Pedro Pascal apparaît comme "le contre-exemple", celui qui n'a "pas encore de casseroles", abonde Marine Bohin.

L'acteur entretient d'ailleurs le mystère sur sa vie privée. "On ne lui connaît aucune histoire d'amour et on ne sait même pas s'il aime les femmes ou les hommes, ajoute la journaliste. On peut donc projeter tout ce qu'on veut sur lui et c'est aussi ça qui en fait l'objet de fantasmes."

Une "Pedro Pascal mania" éphémère ?

Depuis le triomphe critique et commercial de The Last of Us, Hollywood a déroulé le tapis rouge à l'acteur. Il a été vu dans un court-métrage de Pedro Almodóvar (Strange Way of Life, 2023), a prêté sa voix pour le film d'animation acclamé Le Robot sauvage (2024) et au premier plan dans Gladiator II de Ridley Scott (2024). "Avec sa popularité actuelle, les studios savent que le mettre au casting offre une médiatisation supplémentaire pour un film", commente Marine Bohin.

De là à dire que son succès n'est qu'un effet de mode ? "On en a vu, des célébrités qui ont eu leur moment et qu'on n'a plus revues ensuite", souligne Margaux Baralon. A l'instar d'un Kevin Costner, qui, après une filmographie florissante au tournant des années 1980-90, a connu un parcours en dents de scie, ou d'un Orlando Bloom, qui n'a pas rebondi après les succès de Pirates des Caraïbes et Le Seigneur des anneaux

"La carrière de Pedro Pascal est encore trop fragile pour affirmer qu'il va rester", poursuit la journaliste. L'acteur, qui reprendra son armure de chasseur de primes en 2026 pour un film dérivé de The Mandalorian, n'a pour l'instant jamais été récompensé pour ses rôles au cinéma. "Certes, il a eu des rôles populaires, mais il n'a pas encore eu SON grand film."