Une « journée bonheur » à Dieppe pour les familles de Seine-Saint-Denis avec le Secours populaire
Dans le car qui l’emmène avec une cinquantaine d’autres Audoniens à Dieppe (Seine-Maritime) pour une « journée bonheur » organisée par le Secours populaire de Seine-Saint-Denis, Adem, 7 ans, a du mal à contenir son impatience. Muni d’une pelle en plastique bleue qu’il ne lâchera pas du voyage, il interroge alternativement son père et sa mère pour savoir si « on arrive bientôt à la mer ? »
Le petit garçon est l’un des rares enfants venus accompagnés de leurs deux parents. Sur l’ensemble des 17 bus qui convergent vers la Normandie, les papas se comptent sur les doigts d’une main. Beaucoup de mères célibataires ont répondu à l’invitation des comités locaux du département. Et elles ont tout prévu ! De lourds caddys, cabas et autres glacières emplissent les soutes des bus.
« Profiter de l’instant présent, loin des soucis du quotidien »
Gabrielle, venue de Saint-Ouen avec ses trois petits garçons de 3, 6 et 9 ans, a pris de quoi faire des sandwichs pour un régiment et a même apporté un parasol pour cette journée immanquable. « Je n’ai pas hésité à annuler un rendez-vous important pour pouvoir emmener mes enfants à la mer », avoue-t-elle.
« Moi j’ai des serviettes, de la crème solaire, un bon pique-nique et mon téléphone est chargé à bloc pour pouvoir prendre de belles photos jusqu’à ce soir », confie Rosalie. Cette quarantenaire, vendeuse en prêt-à-porter en recherche d’emploi, est venue « par amour pour Mina », sa fille unique de 6 ans. « On va profiter de l’instant présent, loin des soucis du quotidien, explique la maman solo. C’est aussi l’occasion de rencontrer de nouvelles personnes. »
De fait, elle passe le voyage à discuter avec Gabrielle. Les deux femmes, passionnées de mode, font connaissance pendant que les passagers se sont presque tous assoupis. Elles ne se quitteront pas de la journée… Une amitié est née !
Après trois bonnes heures de route, la Manche, hésitant entre le bleu et le vert, apparaît enfin. Le temps est magnifique. Le père d’Adem montre les chalutiers du port à son fils tandis que le bus s’engage sur le front de mer. « Oh, il n’y a pas de sable, ce n’est que des cailloux », s’écrie le garçonnet masquant mal son dépit, qui semble partagé par d’autres enfants et pas mal de mères de famille réalisant qu’elles auraient pu laisser pelles et seaux à la maison.
Un instant de déception vite dissipé : de l’autre côté de la route, ils viennent d’apercevoir des manèges, un château gonflable, un mini-terrain de foot, un trampoline et des cerfs-volants… « Des jeux, des jeux ! C’est comme un parc d’attractions ! », s’enthousiasme l’aîné de Gabrielle.
Rassemblées sur la grande esplanade où un petit déjeuner leur est offert, parents et enfants reçoivent un bracelet jaune portant l’inscription « journée du bonheur » qui leur donne accès à toutes sortes d’activités : train touristique, manège, jeux, activités sportives, visite du château fort qui surplombe Dieppe… « Vous êtes libres, la seule contrainte est de revenir aux bus à 17 h 45 », indique Nadia au groupe de Saint-Ouen.
Venue avec sa grande fille pour la seconder, la dynamique secrétaire bénévole du comité local du Secours populaire, qui connaît les noms et prénoms de chaque membre des familles, n’hésite pas à donner quelques consignes personnalisées au plus turbulents. Vêtue d’une longue robe rayée noir et blanc et d’un turban assorti, cette bénévole a la lourde responsabilité de ramener tout le monde à bon port le soir même. « Avant de partir, comptage et recomptage obligatoire, pour n’oublier personne », plaisante-t-elle.
Des dizaines d’activités proposées par la ville de Dieppe
Avant de s’égayer entre les différentes activités, les familles ont été accueillies par l’élue aux solidarités de la ville, Marie-Luce Buiche, qui a rappelé le partenariat historique entre la ville communiste, très attachée à l’éducation populaire et aux liens sociaux favorisés par la pratique sportive, et le Secours populaire.
Chaque été, pendant trois semaines en juillet, « un village du sport » est installé sur les pelouses du front de mer. Des associations partenaires y initient gratuitement petits et grands à des pratiques comme le foot, sur un terrain bordé de gros boudins gonflables, l’escalade, ou encore des jeux d’adresse.
Des activités plus atypiques sont aussi proposées comme le canicross. « Il s’agit d’apprendre aux gens à se faire tracter par leur chien. Celui-ci porte un harnais spécial qui lui évite d’être étranglé par une laisse. C’est bon pour l’animal qui a besoin de courir, mais aussi pour le maître », explique la responsable du stand.
Juste à côté, une autre association invite les participants à s’essayer à la conduite de cerfs-volants. De splendides créations colorées, réalisées en toile de spi par les membres du club de lucanophiles, flottent au-dessus de l’esplanade, portées par une brise légère.
« Nous sommes heureux d’accueillir chaque année des personnes accompagnées par le Secours populaire de Seine-Saint-Denis, souligne Lise, l’une des responsables du Club de cerfs-volants de Dieppe. Ce public est à la fois respectueux et curieux. Rien à voir avec certains touristes blasés »
Aujourd’hui, ce sont les enfants qui décident du programme !
Tandis qu’encore dégoulinants après une première baignade, Sami, 13 ans, et son grand frère de 15 ans, Hannes, s’apprêtent à enfiler un baudrier pour s’essayer à la grippe sur la tour d’escalade, Claude, 11 ans, tire sa mère vers la plage. « On va dans l’eau », insiste la petite fille auprès de sa mère Rosine, dont c’est la première fois à la mer.
Même désir de se rafraîchir pour la petite Hadjer, 8 ans qui sort du château gonflable en nage et toute décoiffée, sous le regard attendri de Naïma, sa maman. « Quand je la vois s’amuser autant, je ne regrette pas de m’être levée à 4 heures du matin », sourit cette habitante de Montfermeil.
Avec une flash mob participative, cornaquée par une chorégraphe qui a gravé l’évènement dans les mémoires des participants et dans celles des téléphones des spectateurs, cette « journée bonheur » est aussi placée sous le sceau des 80 ans du SPF. « J’étais déjà ici il y a dix ans pour les 70 ans. Julien Lauprêtre avait été fait citoyen d’honneur de la ville de Dieppe », se rappelle Monique, la responsable du Comité Secours Populaire des Lilas.
Aujourd’hui cette dame de 73 ans accompagne 46 personnes dont 26 enfants. Un engagement qui s’apparente, pour elle, une tradition familiale. « Mes parents étaient déjà militants au Secours populaire à sa création en 1945 », raconte cette ancienne employée au service contentieux d’une entreprise de travaux publics, qui a renforcé son implication auprès de l’association, une fois à la retraite. Et qui espère « être encore là pour fêter les 90 ans de l’organisation ».
« On a bien besoin de bénévoles et le recul de deux ans de l’âge de la retraite va priver le monde associatif de précieuses ressources humaines », remarque Marie-Luce Buiche. Ce n’est pas Laurent Jamet, qui la contredira : « Dans un contexte où la pauvreté n’a jamais été aussi élevée, cette journée est un rendez-vous attendu par les familles de Seine-Saint-Denis, explique le responsable départemental de l’organisation. Il a nécessité une grosse mobilisation des bénévoles qui, entre la préparation, la logistique et l’accompagnement sur place, sont au moins 200 à avoir œuvé pour que cette journée soit une réussite. »
Et c’est le cas ! En début d’après midi les familles pique-niquent par grappes sur des couvertures étalées sur les galets. Les rires et les cris fusent depuis la mer où les enfants s’ébattent. Le deuil des châteaux de sable est consommé.
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