Budget 2025 : pourquoi les crédits, à peine votés, pourraient être gelés par le gouvernement

À peine adopté, le budget 2025 est déjà sous surveillance. « Nous allons mettre en place avec le premier ministre, François Bayrou, des outils de pilotage budgétaire inédits, a informé le ministre de l’Économie, Éric Lombard, dimanche 9 février, sur RTL. On va réunir les responsables de la dépense publique tous les mois, afin de vérifier que le cadrage de la dépense publique est respecté. »

Un cadrage fixé à 5,4 % du PIB de déficit public pour 2025 et 3 % en 2029, dans les recommandations aux pays adressées par le Conseil européen des ministres de l’Économie le 21 janvier. Maintenant que le budget austéritaire est passé mercredi 5 février à la suite du déclenchement de l’article 49.3 de la Constitution, le gouvernement envisage donc déjà un nouveau tour de vis, qui pourrait passer cette fois par… un gel des crédits, pourtant votés.

Des hypothèses économiques insincères

Il existe de sérieux doutes sur la capacité à respecter l’objectif de 5,4 %, alors que la France est sous le coup d’une procédure européenne pour déficit excessif. En cause, comme lors de l’exercice 2024 : des prévisions économiques irréalistes. Si les membres de l’exécutif prennent des mesures « inédites », c’est qu’« ils sont flippés parce qu’ils ont des hypothèses de croissance et d’inflation très optimistes », constate le député GDR Emmanuel Maurel. C’est Charles de Courson, rapporteur général du projet de loi de finances (PLF) et député Liot, qui a lancé l’alarme mercredi 5 février, lors de l’examen de la motion de censure déposée après le déclenchement de l’article 49.3 sur le PLF.

« Le ministre de l’Économie prévoit une croissance en volume de 0,9 % et une inflation de 1,4 % », a-t-il dévoilé, ajoutant que, selon lui, « un objectif de croissance plus réaliste serait de l’ordre de 0,7 % en volume ». Ce chiffre correspond à la moyenne des prévisions de divers organismes citée dans le rapport rendu le 29 janvier par le Haut Conseil des finances publiques. Il eût été plus prudent de tabler sur « une hypothèse (d’inflation) de 1,1 % ou 1,2 % », selon Charles de Courson, qui alerte « sur un risque de dérapage du déficit public supplémentaire de l’ordre de 5 à 6 milliards, soit 0,2 % du PIB ».

À cela s’ajoutent des prévisions de dépenses qui ne correspondraient pas non plus à la réalité. « Des économies sont attendues sur l’aide personnelle au logement, qui a perdu 300 millions d’euros entre le projet de budget Barnier et le budget passé par 49.3. Or leurs barèmes d’attribution n’ont pas été changés », s’étonne la députée Les Écologistes Eva Sas, selon laquelle le gouvernement table sur une sous-consommation des crédits.

10 milliards d’euros non dépensés en 2024

En 2024 déjà, les finances publiques avaient dérapé. Alors « ils n’ont pas fait de projet de loi de finances rectificatif, parce qu’il y avait les élections européennes », relève Emmanuel Maurel. Mais le premier ministre Gabriel Attal avait gelé 10 milliards d’euros de crédits, qui n’avaient pas été dépensés bien que votés dans le PLF. « Il y a un risque que cela se reproduise. On a eu un budget très restrictif et on pourrait avoir un gel des crédits très tôt dans l’année. C’est la double peine pour les Français », indique le député GDR.

Reste à voir où l’exécutif ira chercher l’argent qui lui manque. « Le vrai problème avec le pouvoir est sur la question des recettes. Pour eux, baisser les taxes rendrait la France attractive », dénonce Emmanuel Maurel. Une différence de vision avec le camp macroniste qui s’était déjà manifestée lors de l’audition de Gabriel Attal devant la commission d’enquête sur les budgets 2023 et 2024, instituée à la suite d’un dérapage des finances publiques.

Au président FI de la commission des Finances, Éric Coquerel, qui lui demandait pourquoi ne pas avoir cherché davantage de recettes, Gabriel Attal avait répondu : « Quand je cherche à réduire le déficit, la première question que je me pose est : quelles dépenses peut-on réduire ? Votre réflexe est plutôt de demander quelles taxes augmenter. » Cette ligne de conduite, partagée par Éric Lombard, demeure identique. Avec 58 %, « on a 10 points de dépense publique de plus que les autres » pays européens, s’est inquiété le locataire de Bercy, sur LCI, le 26 janvier dernier.

Pour ne pas faire payer les riches, Bercy temporise

La gauche, elle, ne l’entend pas de cette oreille. Elle fait valoir ses propositions de recette fiscale, qui pèsent essentiellement sur les plus riches et les grandes entreprises. « On risque d’aller à nouveau vers un dérapage du déficit public. D’autant plus que toutes les propositions de rentrée fiscale que nous avions faites ont été retoquées », signale la députée FI Aurélie Trouvé, qui rappelle que les amendements votés à l’Assemblée nationale à l’automne, avant le transfert du texte au Sénat, abondaient le budget de l’État à hauteur de 75 milliards d’euros.

La députée Eva Sas porte en ce sens une proposition de loi visant à instaurer un impôt minimal de 2 % sur le patrimoine des plus aisés, alors qu’ils ne paient en moyenne que 0,2 % de leur fortune aujourd’hui. Cette dernière sera examinée ce mercredi en commission des Finances et pourrait, si elle était adoptée, rapporter 15 milliards d’euros.

Soucieux de ne pas faire payer les riches, à Bercy, on a promis dans les discussions du mois de janvier avec la gauche un texte, sans déterminer d’échéance précise, sur une contribution sur les hauts revenus. Mais le taux pourrait n’être que de 0,5 % et les biens professionnels seraient exclus de l’assiette. Gains escomptés : 2 milliards d’euros au maximum.

De leur côté, les groupes où siègent les parlementaires communistes, GDR à l’Assemblée, CRCE-K au Sénat, promeuvent des mesures de justice fiscale pour renflouer les caisses de l’État : le rapatriement des bénéfices des groupes français réalisés à l’étranger, le renforcement de l’exit tax pour ceux qui s’expatrient, la fin de la taxe à taux unique sur les revenus du capital, le doublement de la taxe sur les transactions financières, le rétablissement de l’impôt sur les sociétés à 33 %, etc. Autant de propositions utiles au débat cette année… et l’an prochain. Car François Bayrou a d’ores et déjà prévenu le 27 janvier : « Je crois que le budget 2026 devra être très différent du budget 2025. » Pire encore.

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