Surtaxes, jours de carence, médicaments... Ce que François Bayrou a concédé au PS pour échapper à la censure

Abandon des nouveaux jours de carence pour les fonctionnaires, maintien de la taxe sur les hauts revenus, renoncement aux suppressions de postes dans l'éducation: François Bayrou a listé par écrit jeudi ses multiples gages budgétaires aux députés socialistes. En retour, ces derniers ne voteront pas la censure, a indiqué peu avant l'examen de la motion déposée par LFI un participant au bureau national du PS.

«Je souhaite vous confirmer et vous préciser certains points sur lesquels votre attention s'est portée»: après dix jours d'intenses tractations, le premier ministre a pris la plume pour entériner ses engagements, dans un courrier adressé aux présidents des groupes PS à l'Assemblée et au Sénat, Boris Vallaud et Patrick Kanner, une heure tout juste avant l'examen d'une motion de censure à l'Assemblée.

Rallonge pour la santé, sursis pour l’éducation

Un document de trois pages en forme d'inventaire des multiples mesures déjà dévoilées par le gouvernement. À commencer par «l'annulation (du) déremboursement» partiel des médicaments et des consultations médicales, et de la rallonge «d'un milliard d'euros» des dépenses de santé, que François Bayrou avait annoncées dès mardi.

Le premier ministre confirme également «l'abandon» des 4000 suppressions de postes d'enseignants, mais aussi des «deux jours de carence» supplémentaires pour les fonctionnaires, décisions éventées respectivement par ses ministres Élisabeth Borne (Education) et Amélie de Montchalin (Budget). Le chef du gouvernement renonce également aux coupes prévues pour l'Outre-mer, dont le budget sera au contraire «supérieur à celui (de) 2024», et pour France Travail qui ne sera donc pas amputé de 500 postes.

Taxation des hauts revenus et des entreprises

Côté fiscalité, François Bayrou acte le «maintien» de la nouvelle «contribution différentielle sur les hauts revenus» (qui devrait rapporter 2 milliards d'euros) en attendant de la remplacer «au plus tard» en 2026 par un «dispositif pérenne de lutte contre une injuste optimisation fiscale». De même, la «surtaxe provisoire» sur les grandes entreprises sera conservée, «pour un montant attendu de 8 milliards d'euros». S'y ajouteront 400 millions de plus sur la «taxation des rachats d'actions», un rabot du même montant sur le Crédit impôt recherche, ainsi qu'une hausse minime (0,1 point) de la taxe sur les transactions financières.

En matière de logement, le premier ministre s'engage à généraliser le prêt à taux zéro «dans toute la France» pour les logements neufs, ou encore à «soutenir» une hausse de 0,5 point des «frais de notaire» à la main des départements. «Au total», François Bayrou rappelle que «la hausse des recettes en 2025 par rapport à 2024 serait de 21 milliards d'euros», tandis que 32 milliards d'économies sont escomptés en parallèle pour ramener le déficit public à 5,4% du PIB en 2025, contre un niveau de 6,1% attendu pour 2024.

Conclave sur les retraites

À côté de ces demandes validées par François Bayrou figurent d’autres annonces déjà connues, comme le «conclave» de trois mois entre partenaires sociaux pour mettre «en chantier» la réforme des retraites. Une intersyndicale se tiendra jeudi pour préparer la première réunion vendredi à Matignon au mode opératoire encore flou. «À l’issue des travaux du conclave, on est persuadés qu’ils vont y arriver et donc il y aura à légiférer», a-t-on indiqué à Matignon. Que la réforme des retraites soit «en pause» est «la reconnaissance que cette réforme est injuste socialement», selon la numéro un de la CFDT Marylise Léon.

Les socialistes ont demandé, comme prix de leur non-censure du gouvernement, que le Parlement soit saisi même en cas d’échec des négociations sociales. «Nous ne vous accordons pas pour autant notre confiance. Mais nous avons choisi de ne pas pratiquer la politique du pire» qui pourrait conduire à «l’arrivée de l’extrême droite», a confirmé à la tribune de l’Assemblée nationale jeudi le premier secrétaire du parti, Olivier Faure. Mais la censure «est possible à tout moment», a-t-il prévenu, interpellant également les députés Insoumis en défendant «une gauche qui propose et avance».

Pour les insoumis, «le PS fracture le NFP»

Comme elle le fait régulièrement depuis 2022, l’Assemblée nationale examinait jeudi, dans un hémicycle clairsemé, la première motion de censure déposée contre le gouvernement Bayrou. Une équipe en place depuis fin décembre mais dont «les jours» sont «comptés», selon le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard. «Quand il tombera, le monarque (Emmanuel Macron) suivra», a-t-il lancé, fustigeant également «l’irresponsabilité» des socialistes de ne pas s’associer à leur motion, paraphée par quelques députés écologistes et communistes.

Dans une brève réponse, François Bayrou a accusé le parti de Jean-Luc Mélenchon de «choisir la guerre intestine» entre Français et de vouloir que «l’affrontement soit la loi». Mais «un autre chemin se dégage, difficilement, après beaucoup de travail, de discussions, de négociations», a assuré le premier ministre, qui a reçu quelques minutes avant l’ouverture du débat l’assurance d’une non-censure par le PS. 

Le RN ne censurera pas

«Le PS fracture le NFP. Mais il capitule seul. Les trois autres groupes votent la censure. Nous continuons le combat», a réagi sur X Jean-Luc Mélenchon. Pour la première fois, la cheffe des écologistes Marine Tondelier s’est, elle, félicitée sur X «des concessions listées par François Bayrou». Mais les députés écologistes censureront tout de même le gouvernement. Écologistes et insoumis estiment notamment que les «règles du jeu sont pipées» sur la renégociation de la réforme des retraites, même avec l’engagement de François Bayrou de saisir le Parlement sur les retraites en cas d’accord seulement partiel entre les partenaires sociaux.

Mais il n’y aura pas de chute du gouvernement, car les députés RN ne voteront pas la motion de censure, voulant juger François Bayrou sur ses actes au moment du débat budgétaire. Ce vote est donc avant tout une répétition avant les échéances décisives des budgets de l’État et de la sécurité sociale, avec la possibilité de recours au 49-3 et donc, en retour, de nouvelles motions de censure. Le gouvernement espère achever la procédure budgétaire d’ici fin février pour que le pays puisse retrouver son cours normal de fonctionnement au 1er mars.