«Privilège», «antiracisme»... Ces 200 mots que l’administration Trump ne veut plus voir

«Ces mots disparaissent dans les agences fédérales de la nouvelle Administration Trump.» Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump s’est lancé dans une restructuration profonde de la communication gouvernementale. S’attirant les foudres du New York Times. Le 7 mars dernier, le quotidien américain a ainsi compilé près de 200 mots que le président aurait ordonné de supprimer dans les documents et sites web officiels.

«Les mots et expressions énumérés ici représentent un changement marqué – et remarquable – dans le corpus du langage utilisé à la fois dans les couloirs du pouvoir du gouvernement fédéral et parmi sa base», explique le New York Times. «Ils reflètent sans équivoque les priorités de cette Administration.» A savoir notamment, la lutte affichée contre les principes de «diversité, d’équité et d’inclusion» que le quotidien détaille comme «étant intrinsèquement en contradiction avec ce que [le gouvernement Trump] a identifié comme le mérite».

Bataille lexicale

La bataille des idées se joue désormais - mais n’a-t-elle jamais commencé qu’ainsi ? - sur le terrain lexical. Le quotidien américain, captures d’écran à l’appui, explique que les changements ont déjà été observés sur des centaines de sites web du gouvernement. Adieu donc, les termes associés aux politiques progressistes de l’Administration Biden.

Trois extraits de pages web. Les passages en rouge ont été supprimés et le sigle en vert a été ajouté. Capture d’écran de l’article du New York Times.

Fin janvier, le New York Times avait déjà rapporté que plus de 8.000 pages Internet, sur une douzaine de sites du gouvernement américain, avaient été supprimées aux États-Unis. Donald Trump avait alors en effet réclamé la suppression de toute référence à l’«idéologie du genre».

Quels sont les termes mis en cause ? On retrouve des notions militantes largement portées par la gauche américaine, notamment dans les domaines de la justice sociale, de l’identité de genre et des politiques environnementales.

  • Inclusion et justice sociale

L’Administration Trump a jugé que le recours à ces termes pouvait favoriser une partialité inacceptable dans l’élaboration des politiques publiques. Ainsi, des concepts comme «anti-racism» (antiracisme) ou «privilege» (privilège), accusés d’imposer des logiques de repentance et de discrimination inversée.

Dans cette même optique, est ciblé le terme «allyship», pouvant être traduit par l’expression «solidarité alliée». Il désigne l’implication de personnes «privilégiées» dans la défense des groupes marginalisés, un concept qui a gagné en popularité avec les mouvements LGBTQ+ ou des communautés BIPOC (Black, Indigenous, and People of Color), un acronyme utilisé pour regrouper les minorités raciales. Citons également le mot «advocacy» (plaidoyer), «all-inclusive» (tout compris) désignant une approche englobant toutes les personnes sans inclusion.

  • Identités de genre

L’Administration Trump a ainsi critiqué l’usage de formules comme «assigned at birth» (assigné à la naissance), ainsi que ses variantes «assigned female at birth» ou «assigned male at birth» qui désignent la désignation du sexe d’un individu à la naissance en fonction de ses caractéristiques biologiques, sous-entendant que le sexe biologique d’un individu ne serait qu’une construction sociale. Plus largement, le bannissement de «they/them» (ils/eux au singulier), de «non-binary» (non binaire) ou encore de «transgender» (transgenre) s’inscrit dans cette volonté de préserver une réalité linguistique et biologique, en s’opposant à la réécriture du langage au nom d’une minorité ultra-militante.

De même, le mot «gender-affirming care» (soins affirmatifs de genre) a été contesté. Il s’agit d’un ensemble de soins médicaux destinés aux personnes transgenres, incluant un accompagnement psychologique, un suivi hormonal et, dans certains cas, des interventions chirurgicales pour aligner leur corps avec leur identité de genre. L’Administration Trump a estimé que ces pratiques relèvent davantage d’une idéologie voulant normaliser des interventions médicales aux conséquences irréversibles, que de soins ordinaires.

  • Environnement, inégalités économiques...

Citons des expressions comme «clean energy» (énergie propre) ou «climate crisis» (crise climatique), qui pour Donald Trump traduisent une volonté d’alimenter un catastrophisme climatique destiné à justifier des politiques interventionnistes et contraignantes. Pour l’Administration Trump, la régulation excessive et les restrictions environnementales nuisent à la compétitivité des entreprises américaines et entravent la croissance économique. De la même manière, la formule «environmental quality» (qualité environnementale) a été reléguée au second plan, malgré son importance dans les discussions sur la pollution et la santé publique.

Enfin, certains mots relatifs aux discriminations économiques et sociales ont été jugés trop progressistes. Par exemple, «underrepresented» (sous-représenté) et «underserved» (mal desservi) sont des termes couramment utilisés pour décrire les minorités qui n’ont pas un accès équitable aux ressources, à l’éducation ou aux opportunités professionnelles. Ces mots sont souvent associés aux programmes de «diversity, equity, and inclusion» (DEI), un concept qui a été attaqué sous Trump pour sa promotion d’une politique inclusive au sein des institutions et des entreprises.

Les mots «déconseillés» par l’Administration Trump. Capture d’écran. Article du New York Times.