L’évacuation de Gaza-Ville, prélude aux « portes de l’enfer »

Les habitants de Gaza-ville ont reçu, ce samedi 6 septembre au matin, l’ordre d’évacuer vers une « zone humanitaire ». Dans un territoire dévasté, où il n’y a plus guère d’abris et où les Palestiniens sont assassinés lorsqu’ils tentent de récupérer le moindre sac de farine lors des distributions, le sens du terme « zone humanitaire » ne laisse d’interroger. « À partir de maintenant, et dans le but de faciliter le départ des habitants de la ville, nous déclarons la zone (côtière) d’Al-Mawasi (dans le sud de la bande de Gaza) comme zone humanitaire », a écrit le porte-parole arabophone de l’armée israélienne, Avichay Adraee. À Gaza comme au Liban et en Syrie, ses messages, envoyés à la dernière minute en violation totale du droit international humanitaire, sont depuis près de deux ans annonciateurs de la dévastation la plus totale.

Avec une moyenne d’un ordre d’évacuation tous les 2, 3 jours, selon un calcul d’Oxfam daté de fin mai, ces injonctions participent de la guerre psychologique menée contre les Palestiniens dans le cadre de la campagne génocidaire en cours. Les habitants, qui ont en général très peu de temps pour rassembler leurs affaires, vivent ainsi dans un état d’alerte constant. « Le déplacement permanent de la population civile à l’intérieur d’un territoire occupé équivaut à un transfert forcé, ce qui constitue une violation grave de la quatrième Convention de Genève et un crime contre l’humanité en vertu du Statut de Rome », notait, en avril dernier, Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

L’armée israélienne contrôlerait déjà 40 % de Gaza-ville

Ce nouvel ordre d’évacuation s’inscrit dans le cadre du plan d’occupation de la ville de Gaza, approuvé le 8 août par le Cabinet de sécurité israélien, et lancé dix jours plus tard par le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, dans le cadre de l’opération « Chariots de guerre de Gideon II », pour laquelle 60 000 réservistes ont été mobilisés. Cependant, certains de ces réservistes continuent de questionner les buts de guerre au nom de la défense des otages toujours retenus dans la bande de Gaza plus que d’une volonté de faire cesser les massacres. Lors d’une conférence de presse, le 2 septembre à Tel Aviv, le sergent de première classe Max Kresch a voulu donner de l’écho à ce mouvement de contestation : « Nous sommes plus de 365 soldats, et ce nombre ne cesse d’augmenter, à avoir servi pendant la guerre et à avoir déclaré que nous ne nous présenterons pas au rapport si nous sommes à nouveau appelés ».

L’ordre d’évacuation de la population est le signe de l’avancée de l’armée dans la zone. Cette percée est menée en parallèle des pourparlers, confirmés vendredi par le président états-unien Donald Trump. « Nous sommes en négociation approfondie avec le Hamas », a-t-il assuré. Selon lui, « il se pourrait que certains (otages) soient morts récemment, d’après ce que j’entends. J’espère que c’est faux, mais il y a plus de trente corps dans cette négociation », avançant le nombre de 38 morts. Sur les 251 personnes enlevées lors de l’attaque du Hamas, le 7 octobre 2023, 47 sont toujours détenues à Gaza. Selon Amnesty International, au moins 600 corps de Palestiniens seraient détenus par Israël comme monnaie d’échange depuis le 7 octobre. Jusqu’alors, l’armée israélienne avançait le nombre de 25 otages décédés. Dans une menace claire, le milliardaire américain a exhorté : « Libérez-les tous immédiatement, libérez-les tous et de bien meilleures choses arriveront. Mais si vous ne les libérez pas tous, la situation va être difficile. Cela va être terrible ». Comme un écho à Israël Katz qui, dans un message publié quelques heures plus tôt sur X, annonçait au million de Palestiniens présents à Gaza-Ville : « Les portes de l’enfer s’ouvrent à Gaza. Une fois les portes ouvertes, elles ne se refermeront pas et les attaques de l’armée israélienne s’intensifieront ». À l’heure actuelle, l’armée israélienne contrôlerait environ 75 % de la bande de Gaza et 40 % de Gaza-ville, présentée par l’État-major comme le dernier grand bastion du Hamas.