« À tout moment, un bombardement peut survenir et mettre fin à nos vies » : à Gaza, les journalistes palestiniens jouent leurs vies pour documenter l’horreur du génocide

Gaza, correspondance particulière.

Depuis deux ans, je marque une pause chaque fois qu’on me demande mon âge. Je m’arrête, je réfléchis tranquillement un instant : « Ah oui, quel âge ai-je donc ? », avant de me reprendre et de répondre. Pour beaucoup, surtout lors d’entretiens avec des personnes hors de Gaza, cette hésitation paraît comique.

Après tout, qui oublie son âge ? Mais la vérité est qu’au cours de ces deux années, j’ai, presque sans m’en rendre compte, cessé de mesurer mon existence en années ou en mois. Désormais, je la mesure en histoires. C’est une réalité que seuls les journalistes palestiniens à Gaza peuvent vraiment saisir.

Raconter avant de disparaître

Depuis vingt-trois mois, les histoires sont devenues notre calendrier, notre seul moyen de mesurer le temps. Quand on voit des collègues journalistes se faire tuer presque quotidiennement et qu’on vit avec la certitude d’être le prochain, le temps commence à perdre son sens.

Ici, on ne meurt pas pour les années qu’on a vécues, mais pour les histoires que l’on raconte. Et c’est ainsi que chaque histoire acquiert un poids différent.

Chaque témoignage devient une page tournée, chaque récit un chapitre achevé. Vous courez contre la montre, vous efforçant de documenter autant d’histoires que possible avant de devenir vous-même le prochain sujet.

Le quotidien des reporters face aux bombardements et aux drones

Ce n’est pas seulement le temps qui change de sens lorsqu’on est journaliste...