Comment l’Ukraine et l’UE tentent de revenir dans le jeu face à Trump
L’avenir de l’Ukraine en tant qu’État souverain et de l’Union européenne (UE) en tant que bloc autonome est en jeu, mais le rapport de force établi par le président états-unien, Donald Trump, et son homologue russe, Vladimir Poutine, entend les cantonner dans une position de simples spectateurs de leur destin.
L’équation est d’autant plus complexe que l’UE entretient un rapport contrarié à sa propre puissance et qu’elle peine à sortir de sa vassalité vis-à-vis de Washington et de l’Otan. Ainsi exclues des négociations bilatérales sur la fin du conflit, lequel entrait, ce 24 février, dans sa quatrième année, Kiev et Bruxelles tentent de reprendre la main et de présenter un front commun.
Pour ce faire, les Vingt-Sept ont opté pour une stratégie en deux temps. Le premier a consisté à dépêcher une importante délégation, lundi 24 février, dans la capitale ukrainienne. Emmenée par l’hyperprésidente de la Commission, Ursula von der Leyen, le président du Conseil européen, António Costa, mais également par les dirigeants de l’Espagne, des pays nordiques, des pays Baltes et de plusieurs autres pays, dont des membres de l’Otan ne faisant pas partie de l’UE, comme le Canada, également mis sous pression par le locataire de la Maison-Blanche, l’équipée entend sortir de la logique bilatérale imposée par Washington.
Un programme d’aide financière de 3,5 milliards d’euros
Débarquée en train à Kiev, Ursula von der Leyen est arrivée avec un programme d’aide financière de 3,5 milliards d’euros sous le bras. Le plan vise à injecter des liquidités dans le budget de l’Ukraine et à faciliter l’achat d’équipements militaires qui demeurent hypothétiques après l’été. Ce paquet militaire pourrait s’élever à 20 milliards d’euros. Il s’agit en clair d’une avance de 50 milliards d’euros sur le fonds d’assistance La facilité pour l’Ukraine, créé par l’UE en 2024.
« Nous croyons en une Ukraine libre et souveraine sur la voie de l’Union européenne », a insisté Ursula von der Leyen. La dirigeante, qui mise sur une adhésion du pays d’Europe orientale à l’UE à terme, entend également intégrer l’Ukraine et la Moldavie dans le marché commun de l’électricité d’ici la fin de l’année. La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a en outre demandé à chaque État membre de dresser l’inventaire de ses stocks militaires afin d’identifier les armes qui pourraient être cédées à Kiev.
L’UE, qui depuis le début de la guerre lie son destin à celui de l’Ukraine, prépare enfin les esprits à une confrontation directe avec la Russie. Face au rapprochement entre Washington et Moscou et à la remise en question par Donald Trump de la légitimité du président ukrainien Volodymyr Zelensky – un « dictateur sans élection » –, Emmanuel Macron évoquait la semaine passée un effort de guerre sans précédent depuis 1945, qui pourrait passer par la mobilisation des produits d’épargne des Français.
De son côté, Volodymyr Zelensky a fait savoir qu’il serait prêt à renoncer à son poste « pour parvenir à la paix ». « Je peux l’échanger contre l’Otan, si les conditions sont réunies », a-t-il ajouté alors que l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance atlantique demeure un casus belli pour la Russie.
Le deuxième volet de la stratégie européenne repose sur le déplacement du locataire de l’Élysée aux États-Unis, ce lundi. Sa visite succède à celle du président polonais, Andrzej Duda, samedi et devance celle du premier ministre britannique, Keir Starmer, jeudi.
Face à un Donald Trump qui ne comprend que le rapport de force, Londres, considéré comme un allié indéfectible des États-Unis, commence à évoquer ouvertement une règle d’achat européenne en matière de matériel de défense. L’an dernier, 68 % des achats d’armement réalisés dans l’UE au profit de l’Ukraine ont été réalisés auprès de fabricants états-uniens. La Commission entend réduire cette dépendance et propose que, d’ici à 2030, 50 % des équipements soient fournis par l’industrie continentale.
Un contre-la-montre
L’aventure d’Emmanuel Macron à Washington ne se joue donc pas en solitaire. L’UE est toutefois confrontée à un autre problème. Interrogé par le média Politico, un diplomate européen concède : « Nous devons (…) construire un plan de sécurité pour l’Europe à un moment où l’opinion publique n’est pas prête. Et on ne peut pas faire cela tout en gérant le retrait de quelque 100 000 soldats américains d’Europe. C’est pourquoi nous ne pouvons pas rompre (avec Trump). » Ce dernier reste donc maître du rapport de force.
Les Européens sont en outre engagés dans un contre-la-montre alors que la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, assurait, le 22 février, que Donald Trump demeurait « très confiant » dans le fait que l’accord sur le règlement du conflit en Ukraine pourrait être conclu cette semaine. Cependant, observe Ivo Daalder, ancien ambassadeur des États-Unis auprès de l’Otan, « la panique et les désaccords observés jusqu’à présent n’ont fait que souligner l’idée que l’Europe n’est pas en mesure de se ressaisir, même lorsqu’elle est remise en question dans ses fondements les plus fondamentaux par un allié qui n’agit plus comme un allié ».
In fine, le pari d’Emmanuel Macron s’avère risqué. Ce dernier entend obtenir le déploiement d’une force européenne de maintien de la paix en Ukraine en cas de cessez-le-feu. S’il ne parvient pas à convaincre Donald Trump d’insérer les Vingt-Sept et l’Ukraine dans le jeu, quitte à voir cette dernière amputée d’une partie de ses territoires, le président français perdra toute crédibilité diplomatique. Y compris auprès de ses partenaires continentaux, dont certains sont peu convaincus par l’idée d’autonomie stratégique.
Bravache, il déclarait à l’endroit de Donald Trump, lors d’une séance de questions la semaine dernière sur YouTube : « Vous ne pouvez pas être faible avec le président Poutine. Ce n’est pas ce que vous êtes, ce n’est pas votre marque de fabrique, ce n’est pas dans votre intérêt. »
L’autre risque, enfin, est de voir l’extrême droite, dont les représentants européens se sont pressés le week-end dernier à la Conservative Political Action Conference (CPAC) à Washington, tenter de capitaliser sur ce revers. Fini les discours de sortie de l’UE, ils tentent désormais de la déstabiliser de l’intérieur en profitant des coups de menton trumpiens.
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