Un discours de 25 heures et 5 minutes contre l’administration Trump
Disons-le tout de suite, le sénateur démocrate du New Jersey, Cory Booker, n’est pas un progressiste et la révolution ne viendra pas de lui. Mais on ne peut se payer le luxe de faire des procès en pureté en ce moment et c’est pourquoi les militants ont (quasi) unanimement applaudi son acte de résistance à l’administration Trump. Cory Booker a ainsi occupé la tribune du Sénat pendant 25 heures et 5 minutes, ayant recours à un « filibuster », une technique consistant à faire obstruction le plus longtemps possible au vote d’une loi ou au déroulement du travail parlementaire.
Le précédent record était détenu depuis 1957 par le sénateur ségrégationniste de Caroline du Sud, Strom Thurmond, qui avait alors parlé pendant 24 heures et 18 minutes pour s’opposer au vote de la loi sur les droits civiques. L’acte de bravoure de Booker a donc également la saveur de la revanche. Durant son discours-marathon, minutieusement préparé, le sénateur a plaidé pour des politiques de santé et d’éducation, il a passionnément appelé à faire preuve de courage et de morale pour résister au fascisme, il a interpellé sur l’urgence de la situation, il a lu des témoignages de ses administrés ou d’étrangers détenus par la police de l’immigration, il a, enfin, répondu à des questions de complices démocrates. C’est un discours remarquable par son contenu car, dans l’histoire des filibusters les plus longs, les sénateurs sont célèbres pour y avoir lu des livres, la Constitution et l’annuaire téléphonique, ou même pour avoir récité des recettes de cuisine pour passer le temps. En outre, pour réussir cette performance, Cory Booker s’était préparé sur le plan physique et jeûnait depuis deux jours, ce qui a suscité de nombreuses félicitations.
Mais à quoi ce spectacle aura-t-il servi ? Il ne s’agissait pas de s’opposer à une loi particulière. Ce discours relevait plutôt d’une scène de théâtre. C’est important le « spectacle » en politique, certes. Mais ce n’est pas une fin en soi. Et, visiblement, cela n’a pas réveillé une fougue révolutionnaire chez les démocrates. Ces derniers ont ainsi majoritairement voté contre une résolution initiée par Bernie Sanders proposant la suspension de l’aide militaire au gouvernement d’Israël. Et oui, Cory Booker aussi. Un siège remis en jeu l’année prochaine et des contributions de campagne déterminantes du lobby israélien Aipac ont eu raison de ses grandes leçons de morale. Mais tant que les démocrates ne comprendront pas que leur collaboration et leur soutien au gouvernement d’Israël sont liés à la mise en place d’un régime fasciste par Trump et Musk, leur résistance, aussi mélodramatique soit-elle, restera vaine.
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