Drapeaux palestiniens : la nouvelle charge de Bruno Retailleau contre la solidarité avec Gaza
Alors qu’Emmanuel Macron s’apprête à reconnaître, au nom de la France, l’État de Palestine lors de l’Assemblée générale de l’ONU, la semaine prochaine, le ministre de l’Intérieur démissionnaire a sonné une nouvelle charge contre la solidarité avec les Palestiniens. Le génocide en cours à Gaza n’y change rien pour la place Beauvau : le ministère de Bruno Retailleau a demandé aux préfets de s’opposer à la pose de drapeaux palestiniens sur des mairies et autres édifices publics lundi, jour de la reconnaissance, dans un télégramme consulté vendredi 19 septembre par l’AFP.
Comme régulièrement en de telles circonstances, il se saisit du « principe de neutralité du service public » qui « interdit » , selon lui, « tels pavoisements », pour demander aux préfets de saisir la justice administrative contre les décisions des édiles qui ne renonceraient pas à se joindre à l’initiative lancée par Olivier Faure.
Après s’être associé, à l’occasion de la Fête de l’Humanité, à l’appel du PCF à défiler nombreux aux côtés de multiples organisations associatives et syndicales le 21 septembre, lors de la journée internationale de la paix, le premier secrétaire avait appelé « à faire flotter » les couleurs de la Palestine sur les mairies le 22 septembre, jour de l’intervention du président de la République à l’ONU. Hors de question pour le ministre de l’Intérieur démissionnaire.
« Complètement décalé avec la gravité du drame humain en cours »
À Gennevilliers, Saint-Denis ou encore Besançon, nombre de maires ont d’ailleurs déjà reçu des injonctions de leur préfecture par le passé après avoir arboré ce drapeau. La consigne n’est donc pas nouvelle, mais il s’agit de la marteler. Selon le télégramme signé par le secrétaire général du ministère Hugues Moutouh, « un tel pavoisement constitue une prise de parti dans un conflit international » et « une ingérence contraire à la loi ».
Une telle communication ne s’est jamais vue concernant les drapeaux ukrainiens dont de nombreuses mairies se sont parées après l’invasion du pays par la Russie. En décembre 2024, une décision du tribunal administratif de Versailles estime même que « mettre un drapeau ukrainien sur la façade d’un bâtiment public n’est pas une revendication politique ; c’est un symbole de solidarité envers une nation victime d’une agression ».
Mais les édiles n’ont pas eu le droit au même jugement concernant la solidarité avec les Gazaouis sous le feu d’Israël. À l’instar de Philippe Bouyssou condamné, en août par la justice, à retirer une banderole en soutien au peuple palestinien affichée sur l’hôtel de ville d’Ivry-sur-Seine.
« Le petit côté juridiste de l’État, avec la mobilisation du tribunal administratif, me paraît complètement décalé avec la gravité du drame humain en cours », a alors réagi dans nos colonnes le maire communiste qui a engagé des recours et s’apprête en cas d’échec à « retirer la banderole avant d’en remettre immédiatement une autre ».
L’édile n’est pas plus tendre avec l’argument réitéré dans la note de l’Intérieur datée de vendredi sur « les risques d’importation sur le territoire national d’un conflit international en cours » ainsi que « sur les troubles graves à l’ordre public » : « L’État français alimente une confusion inacceptable. Ce n’est pas les juifs d’un côté et les musulmans de l’autre. Nous sommes confrontés à un conflit d’essence coloniale, avec un État qui se développe en opérant un nettoyage ethnique », rappelle-t-il.
Certains édiles ont trouvé la parade. À Corbeil-Essonnes, où le pavillon orne déjà la mairie depuis 2024, Bruno Piriou distribuera 1 000 drapeaux palestiniens dans sa commune le 22 septembre. « Je me lève tous les matins avec l’annonce de nouveaux morts en Palestine et en me demandant ce que je peux faire avec mon pouvoir de maire de la 120e ville de France. S’il y avait une majorité de villes où une majorité d’habitants mettait le drapeau à sa fenêtre, bien sûr que ça créerait un rapport de force », explique l’élu de gauche à Libération.
« Un ministre démissionnaire devrait gérer les affaires courantes, pas chercher à s’opposer symboliquement à la décision prise par le président de la République de reconnaître un État palestinien », a de son côté répliqué Olivier Faure sur le réseau social X vendredi, rappelant que « les préfets n’ont pas de pouvoir propre d’interdiction à la différence des manifestations », et que « la justice tranchera au besoin ».
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