« All-in » de Volkan Üce : le quotidien des petites mains du tourisme en Turquie
L’envers du décor de la Turquie touristique ou l’expérience de deux jeunes saisonniers dans un hôtel pour touristes en bord de mer. Un établissement « all included » – ce qui explique le titre du film, All-In – où, comme dans une croisière, tout est organisé et compris : l’hébergement, la nourriture, et les distractions d’une horde de vacanciers des pays du Nord.
Un documentaire simple et lisible, avec une évidente part de mise en scène. Les nombreux employés, logés, eux, dans les dortoirs spartiates, sont non-qualifiés et inexpérimentés. Ils viennent de villages ou de petites villes de l’intérieur du pays. Volkan Üce, cinéaste belge d’origine turque, a choisi de suivre deux d’entre eux : le plus jeune, Ismaïl, qui accompagne son frère, a une formation de coiffeur. Mais à l’hôtel, il sera préposé aux cuisines. L’autre, Hakan, plus âgé, 25 ans, issu d’une petite ville, est dénué de diplôme et d’expérience, mais comme il explique avoir l’habitude de se baigner dans une rivière, il est nommé « maître-nageur ».
Le point de vue des employés
Plus complexe qu’il en a l’air, Hakan est cultivé (il cite Schopenhauer et Nietzsche à tout bout de champ). Il tombe des nues quand il s’aperçoit que des touristes russes ne connaissent même pas Dostoïevski. On assiste essentiellement aux activités journalières de ces deux personnages (l’un en cuisine, l’autre à la piscine), à leurs discussions et éventuellement à leurs prises de tête avec des collègues – surtout l’ombrageux Hakan, que la vacuité de son job d’été rebute. L’intérêt principal du film est son parti pris d’inverser le point de vue habituel. On ne voit jamais les chambres des touristes et on ne leur donne pas la parole. Ceux-ci restent une toile de fond. Pour une fois, ce ne sont pas les employés corvéables à merci qui font tapisserie, mais ceux qu’ils servent.
Les limites du film proviennent de son absence de zone d’ombre, de son caractère univoque. Peu importe, puisque le contrat est rempli : décrire l’expérience et les dilemmes de deux jeunes Turcs d’aujourd’hui, perdus dans la foire aux illusions de la société occidentale. Si Ismaïl n’a pas totalement perdu son innocence en fin de parcours, en revanche Hakan est assez amer après ce séjour qui lui a révélé la médiocrité de l’âme humaine. Il jure qu’on ne l’y reprendra pas. Et pourtant, une sorte de twist très ironique tourné un an plus tard relativisera ces déclarations. Le cycle recommence…
All-In, de Volkan Üce, Belgique-Pays-Bas-France, 2021, 1 h 20. À voir sur on-tenk.com
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