« L’Homme à la Ferrari » de Dino Risi : Vittorio Gassman ou le début de la fin du latin lover
Le chef-d’œuvre insurpassable du tandem Risi/Gassman est Le Fanfaron (1962), et leur sommet de loufoquerie, L’Homme aux cent visages. Moins célèbre dans leur filmographie, L’Homme à la Ferrari (1967) s’avère néanmoins fort piquant et pimpant, tout en continuant à creuser un même sillon satirique. Le titre français du film se référant à la marque de l’auto du héros est moins ironique que l’original italien : Il Tigre. C’est clair, l’outrecuidant Francesco Vincenzini (Gassman) a toutes les apparences du fauve indomptable : capitaine d’industrie imbu de lui-même, il est l’incarnation du grand boum économique de l’Italie de l’après-guerre. Pure apparence bien sûr.
Francesco confie à son psy, qui est également un prêtre, son sentiment de vacuité. Le malaise du quadra va être exacerbé par une aventure avec l’ex-petite amie de son fils, Carolina, jeune étudiante en art facétieuse incarnée par la jolie Suédo-Américaine Ann-Margret. Celle-ci va pousser le macho ordinaire dans ses retranchements. Là, la satire rejoint le moralisme traditionnel. L’homme mûr amateur de chair fraîche, délaissant son épouse (ennuyeuse mais) splendide (Eleanor Parker), est exécuté avec brio par Dino Risi, qui fait de cette farce un produit pop impeccable où sont instillés en douce tous les signes de son époque.
Une foison de projections mentales en noir et blanc
La force esthétique du film provient surtout de sa surexpressivité. C’est notable dans le recours permanent aux projections mentales des personnages, sous forme d’inserts, de photos ou bien de séquences en noir et blanc. Ce sont parfois des flashbacks – souvenir d’un épisode héroïque de la guerre – mais le plus souvent des fantasmes – la jeune maîtresse bon chic bon genre métamorphosée en pute des faubourgs ; son amant quadra s’imaginant en hilarant rocker chevelu dans une émission de télé.
Toute cette marqueterie de visions oniriques transcende la banale tragicomédie de l’homme mûr tombé dans le panneau du démon de midi. En fait, les spécialistes du genre, Lattuada, Risi, Scola et autres ne se contentèrent pas de s’appuyer sur de fabuleux clowns tels que Gassman ou Sordi, mais ils créèrent une imagerie qui poussa jusqu’au baroque l’influence du burlesque hollywoodien.
L’Homme à la Ferrari, de Dino Risi, Italie-États-Unis, 1967, 1 h. À voir sur cinemutins.com
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