« La jeunesse brise les barrières » : à Istanbul, un mouvement intergénérationnel fait front contre Erdogan
Istanbul (Turquie), envoyé spécial.
L’homme est habillé simplement mais chaudement. Il a enfilé son anorak noir, vissé un bonnet sur sa tête. Il sait qu’il va devoir peut-être attendre une heure dans le vent glacé qui balaie Üsküdar, sur la rive anatolienne d’Istanbul. Pour ce retraité de 70 ans, la scène se répète invariablement depuis trois ans. Bien avant l’heure du déjeuner, il quitte son appartement et se rend au Kent Lokantasi, un des multiples restaurants urbains ouverts par la municipalité depuis que le Parti républicain du peuple (CHP) a gagné les élections.
Quelque 1 500 repas quotidiens sont servis ici, mais uniquement à midi, jamais le soir. Là, pour 40 livres turques, soit environ 1 euro, il peut manger en toute tranquillité un repas complet. Comme beaucoup de personnes rencontrées, il ne préfère pas dire son nom, mais explique : « Je n’arrive plus à boucler les fins de mois. L’électricité et l’eau ont augmenté de 25 % mais ma retraite de seulement 15 %. » Baris, étudiant de 24 ans, jeune diplômé en animation digitale, barbe couleur de jais bien taillée, le sourire aux lèvres, se retrouve ici pour la première fois. « Je suis au chômage et je n’ai pratiquement aucun revenu. Des amis m’ont conseillé de venir ici. Eux-mêmes se rendent dans un de...